Courrier intersyndical à la ministre de la Culture concernant les agent.es précaires de la BPI

Intersyndicale CGT-FSU-SUD-UNSA du ministère de la Culture

Aujourd’hui, jeudi 10/09/2020, le personnel de la Bibliothèque public d’information est en grève.

Il dénonce la situation très difficile des agent.e.s précaires de cet établissement.

Car si la Bpi peut fonctionner et accueillir du public, en particulier en cette période compliquée, c’est parce qu’elle emploie plusieurs dizaines de précaires sur des CDD de 6 mois non-renouvelables à temps incomplet (35-40 % d’un temps plein), pour un salaire de misère allant de 450 à 600 euros.

Pourtant ces agent.e.s sont sur des besoins permanents et sans eux/elles la Bpi ne peut pas fonctionner. De ce fait, ils et elles devraient être en CDI. Mais la direction de la Bpi préféré s’obstiner à recruter une main d’œuvre ultra précaire, presque sans droit, afin de pouvoir l’utiliser de façon flexible, y compris en période d’épidémie.

La conséquence de cette attitude niant toute responsabilité sociale, c’est que la plupart de ces précaires vont se retrouver au chômage le 15/09, en pleine crise sociale et sanitaire.

C’est pour dénoncer cette pratique inacceptable que le personnel de la Bpi est en grève et exige comme mesure immédiate, vu l’urgence de la situation, la prolongation des contrats des agent.e.s précaires a minima jusqu’au 31 décembre 2020, puis la mise en œuvre d’une procédure pour les stabiliser.

L’intersyndicale CGT-FSU-SUD-UNSA du ministère de la Culture soutien la grève à la Bpi et exige qu’aucun.e précaire ne se retrouve au chômage mais au contraire qu’ils et elles passent en CDI le plus vite possible, comme prévu par l’accord de 2015 sur les non titulaires.

C’est le sens du courrier intersyndical que vous trouverez ci-dessous que nous avons adressé à la ministre de la Culture pour lui demander d’intervenir immédiatement afin de faire respecter les règles en vigueur au ministère de la Culture et de prendre les décisions nécessaires pour que ces agent.e.s précaires passent en CDI. Il est maintenant de sa responsabilité d’intervenir pour éviter une catastrophe humaine.

À l’attention de Roselyne Bachelot-Narquin

Ministre de la Culture

Paris, le 07/09/2020.

Objet : situation urgente des agent-e-s précaires de la Bibliothèque publique d’information.

Madame la Ministre,

Nos organisations syndicales vous contactent au sujet des situations de précarité grave que subissent les agent-e-s contractuel-le-s à temps incomplet de la Bibliothèque publique d’information. Cette situation vous a été exposée lors de la rencontre qui a eu lieu le jeudi 27 août entre vous et l’intersyndicale du ministère de la Culture. Elle a aussi fait l’objet de plusieurs courriers intersyndicaux à votre prédécesseur, monsieur Riester, en février, avril et juin dernier. Mais il y a désormais une urgence à trouver une solution favorable pour ces agent-e-s.

En effet, depuis de nombreuses années, la Bpi établit des CDD de six mois, non-renouvelables (avec la pratique d’une période de carence de deux ans avant une éventuelle nouvelle embauche), pour assurer les tâches d’accueil ou de rangement des documents. Ces contrats sont établis à temps incomplet, pour un temps de travail compris entre cinquante et soixante heures ou soixante et soixante-quinze heures par mois, selon les types de contrats, soit entre 30 et 45 % à peu près d’un temps plein. Or, le taux horaire de ces contrats correspondant au niveau du SMIC horaire, ces agent-e-s perçoivent un salaire de base de 450 à 600 euros par mois, ce qui, en particulier en région parisienne, ne permet pas de vivre ni de se loger décemment. Il arrive que ces agent-e-s accomplissent quelques heures de travail complémentaires, mais cela reste aléatoire et ne leur procure pas, en tout état de cause autre chose qu’un salaire de misère.

Ces postes, qui correspondent à des missions essentielles de la Bpi, relèvent de besoins permanents à temps incomplet, ainsi que le spécifient explicitement les contrats de ces agent-e-s, fondés sur l’article 6 de la loi n° 84-16. Mais, en recourant à des CDD (plutôt qu’à des CDI), sur des quotités très inférieures à 70 % et en imposant une période de carence de deux ans, la Bpi ne respecte pas l’instruction ministérielle du 27 juillet 2015, toujours en vigueur. En effet, page 7, celle-ci « encourage les établissements publics et services relevant du ministère à recruter les agents contractuels à temps incomplet en CDI et à tendre vers une quotité horaire de 70 % d’un temps plein, dès lors que l’agent le souhaite ». Elle précise que « par ailleurs, l’usage de quotités horaires trop basses et abusivement fractionnées est proscrit, notamment au regard des conséquences pour les agents en termes de droit sociaux et de santé au travail ».

Tel est bien le problème que posent ces contrats abusivement précaires : en plus d’être sur des CDD de courtes durées avec des salaires très bas, ces agent-e-s contractuel-le-s à temps incomplet n’ont pas de vrais congés payés, ils/elles ont des difficultés concernant les arrêt-maladies, ils/elles n’ont pas accès à la formation continue, ils/elles ne peuvent pas bénéficier des prestations d’action sociale et n’ont pas accès au parc de logement sociaux du ministère de la Culture, ils/elles n’ont pas assez d’ancienneté cumulée pour passer en interne les concours du ministère de la Culture et leurs titres de transport ne leur sont pas remboursés à la hauteur où cela devrait l’être. De manière plus symbolique, ces agent-e-s, à cause de la durée trop courte de leurs contrats, n’ont pas droit à la carte Culture et ne peuvent donc pas bénéficier de ce dispositif qui permet à la fois d’accéder aux offres culturelles de notre ministère et de marquer l’appartenance formelle à celui-ci. En sommes, ils et elles n’ont pas les mêmes droits que les autres agent-e-s, titulaires ou contractuel-le-s de la Bpi et du ministère de la Culture, ce qui n’est pas acceptable.

Enfin, étant donnée la durée très courte de leurs contrats, il est très vraisemblable qu’à la fin de leurs contrats, ces agent-e-s ne pourront bénéficier d’aucune allocation chômage à cause des nouvelles règles d’indemnisation prévues par la contre-réforme de l’assurance chômage ou bien que cette allocation sera très faible et ne leur permettra pas de survivre.

Cette grave précarité concerne actuellement plus d’une cinquantaine d’agent-e-s contractuel-le-s à temps incomplet, ce qui représente à peu près 24 % des effectifs de la Bpi, proportion énorme qui montre bien l’ampleur du problème.

Pour l’intersyndicale CGT-FSU-SUD-UNSA du ministère de la Culture, il n’est pas acceptable qu’une telle situation de précarité demeure près de cinq ans après l’entrée en vigueur de l’instruction ministérielle qui devait y mettre fin. Il n’est pas possible qu’un établissement comme la Bpi continue sciemment à recruter sur contrats de six mois avec des quotités de travail très basses sur des besoins reconnus par elle-même comme permanents, alors que des établissements comme le musée du Louvre, la Bibliothèque nationale de France, le musée Guimet, le château de Versailles, pratiquent depuis plusieurs années l’embauche en CDI sur des quotités horaires plus importantes pour les postes d’agent-e-s contractuel-le-s à temps incomplet, améliorant ainsi la situation de ces agent-e-s.

Par ailleurs, cette forte précarité entraîne un remplacement permanent de près d’un quart de l’effectif de la Bpi, ce qui crée une instabilité permanente dans les équipes de travail, nécessite de former constamment du personnel mais ne permet pas une bonne formation continue de ces agent-e-s précaires. La mise en place d’une embauche en CDI avec des quotités horaires plus importantes est donc dans l’intérêt du bon fonctionnement de la Bpi, qui renforcera ainsi ses équipes de travail et pourra mieux remplir ses missions de service public.

Cette situation de grande précarité était déjà inacceptable et très préoccupante lorsque nous la dénoncions dans notre courrier intersyndical du 13 février 2020. Mais ensuite il y a eu la crise sanitaire grave qui a bouleversé le fonctionnement du ministère de la Culture et de la Bpi, avec entre autre la mise en place du confinement. Face à cette situation très difficile sur le plan de la santé, mais aussi sur le plan social, la direction de la Bpi a dû accepter, au début du mois d’avril, de prolonger les contrats de toutes et tous les agent-e-s précaires dont les contrats devaient se terminer à partir de la mi-mars, conformément aux directives qui ont été données par le ministère de la Culture suite aux interpellations des organisations syndicales.

Cette prolongation de leurs contrats a eu lieu jusqu’à la mi-septembre, afin qu’ils et elles soient disponibles pour participer à la réouverture de cette bibliothèque au public, dans des conditions de travail qui ont été très compliquées à cause des mesures de protections sanitaires et en leur demandant une très grande disponibilité au niveau de leurs horaires. Cela prouve d’ailleurs une fois de plus que ces agent-e-s sont bien essentiel-le-s pour le bon fonctionnement de la Bpi et qu’ils et elles exercent bien des missions permanentes de cet établissement, puisque sa réouverture au public n’a pas pu se faire sans eux et elles.

Mais après les avoir largement mis à contribution pour travailler dans des conditions difficiles pendant deux mois, la direction de la Bpi, fidèle à sa politique d’ultra-précarité, vient de leur annoncer qu’il n’y aura aucune mesure pour prolonger leurs contrats, encore moins pour les stabiliser, mais qu’elle les mettra au chômage le 15 septembre, dans deux semaines. Cette décision nous paraît extrêmement critiquable et surtout injustifiable en pleine crise sanitaire et sociale.

Parce que cette situation d’ultra-précarité dont est victime près d’un quart du personnel de la Bpi ne peut pas durer, parce qu’il n’est plus envisageable que nos collègues travaillent pour un salaire de misère (la moitié du seuil de pauvreté) et n’aient pour seule perspective professionnelle que le chômage, l’intersyndicale CGT-FSU-SUD-UNSA du ministère de la Culture vous demande, Madame la Ministre, de :

  • Donner les instructions nécessaires pour que les agent-e-s contractuel-le-s à temps incomplet sur besoins permanents à la Bpi passent immédiatement en CDI et que les embauches sur ce type de postes à l’avenir se fassent directement en CDI ;
  • Donner les instructions nécessaires pour que les quotités horaires de ces agent-e-s soient augmentées, selon la demande de chacun-e, jusqu’à 70 % d’un temps plein, étant précisé que les besoins de la Bpi, en termes de temps de travail existent ;
  • Faire en sorte que ces agent-e-s bénéficient à égalité des droits des autres agent-e-s du ministère de la Culture, que ce soit en matière de congés payés, d’arrêts-maladies, de remboursement des titres de transport, d’accès aux formations, aux prestations d’action sociale, etc.
  • Créer les postes de titulaires dont la Bpi a besoin afin de pourvoir les postes vacants et ne pas laisser les agent-e-s contractuel-le-s à temps incomplet seul-le-s aux postes d’accueil ;
  • Procéder à l’ouverture régulière de concours, avec de vrais volets internes comportant un nombre de postes suffisants pour permettre une sortie de la précarité, en particulier au début de la catégorie C ;
  • Mettre en place un vrai plan de titularisation des précaires.

Etant donné l’urgence de la situation et la nécessité de préserver la situation sociale de nos collègues en les stabilisant, nous souhaitons vous rencontrer très rapidement en présence des responsables concerné-e-s de la DGMIC et du secrétariat général du ministère, afin d’évoquer avec vous les moyens de mettre fin le plus vite possible à cette situation de précarité intolérable et de trouver des solutions positives pour les agent-e-s concerné-e-s.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, nos salutations syndicales les plus vigilantes.

L’intersyndicale CGT-Culture, SNAC-FSU, SUD Culture Solidaires, SNSC-UNSA.