I / Refuser la société "globalitaire" qu’on
veut nous imposer
Une culture "Mc World"
I.1 L’avènement de la mondialisation culturelle,
définie par la circulation des produits culturels à l’échelle
du globe, n’est qu’un des nombreux aspects actuels du développement
capitaliste industriel et de la mondialisation libérale et
financière.
I.2 Si, aujourd’hui comme hier, les industries culturelles
constituent un vecteur positif du développement des échanges
entre toutes les cultures de la planète, il convient de dénoncer
la domination et le contrôle de la quasi-totalité des
secteurs de la culture, de l’information et de la communication par
ces nouveaux maîtres du monde que sont les grands groupes de
communication comme Vivendi Universal, AOL-Time Warner, Viacom, News
Corporation, Microsoft, Bertelsmann, etc.
I.3 Comme pour n’importe quel autre type d’industrie,
la seule ambition de ces empires tentaculaires, aux ramifications
complexes, est de conquérir des parts du marché mondial
aussi bien au Sri Lanka, en Zambie qu’aux Etats-Unis… Pour
atteindre cet objectif, elles entendent marier Internet, télévision,
câble, cinéma, musique, édition, etc. et concentrer à la
fois production, diffusion et promotion. Cette concentration, inhérente à l’économie
capitaliste, tend, dans le domaine culturel comme ailleurs, à faire
s’aligner l’ensemble des industries concernées sur un modèle
unique, celui des Etats-Unis.
I.4 A terme, ce processus de culture "globale",
loin de favoriser une indispensable rencontre des cultures à l’échelle
de la planète dans le respect de l’autonomie culturelle et
de l’identité collective des peuples, tend à la suppression
des particularismes et des identités collectives locales.
Il conduit à l’abolition de la pluralité des codes
culturels, des grilles historiques et idéologiques à travers
lesquels les hommes appréhendent les événements
et le monde.
I.5 Dans le cadre de cette tendance dominante
à la standardisation des marchandises culturelles, on assiste, aussi bien
sous l’angle de la production des biens et des services culturels que sous celui
de la réception et de la consommation culturelle, à une hégémonie
des pays industrialisés du triangle Amérique du Nord – Europe –
Asie riche. Dans le même temps, seules les couches les plus aisées
ont accès, dans les pays les moins développés, au marché des
biens culturels. Il s’agit donc bien essentiellement d’un échange entre
privilégiés.
Une offensive libérale
tous azimuts
I.6 Par ailleurs, les produits culturels
n’échappent pas au phénomène de globalisation
financière qui marque l’éco nomie mondiale depuis une
vingtaine d’années ; livrés aux lois du marketing et
régis par une course effrénée aux gains de productivité,
ils perdent leur spécificité pour ne plus représenter
que des actifs valorisables à long terme ou susceptibles de
générer des plus-values de cession à court terme.
I.7 Pour satisfaire son appétit, le marché,
après avoir bien digéré la culture de masse,
entend désormais remplacer l’idée et le secteur de "l’industrie
culturelle" – dans lesquels la création peut cohabiter
encore avec " l’efficacité capitaliste " – par l’idée
et le secteur de "l’industrie du loisir". Cette dévalorisation
symbolique d’une partie de la production artistique – la plus accessible
au "grand public" – constitue une réelle offensive
idéologique.
I.8 Cette démarche s’inscrit dans une logique libérale
qui cherche à récupérer au seul profit des entreprises
privées l’ensemble des activités humaines potentiellement
rentables. Cette spoliation est relayée à l’échelle
planétaire par les grandes institutions internationales (Organisation
mondiale du Commerce (OMC), Fonds Monétaire International
(FMI), Banque Mondiale…). Celles-ci imposent progressivement
cette pensée unique à l’ensemble de la planète
– décidant ainsi, sans la moindre légitimité,
du sort de ses quelques six milliards d’habitants.
I.9 Cette offensive libérale à l’échelle
planétaire
est favorisée par une mainmise chaque jour plus importante
des grands groupes financiers sur les moyens de communication et
d’information. Cette situation hégémonique concourt
pleinement à la diffusion de la pensée unique.
I.10 Dans ce processus général de marchandisation,
le domaine de la culture (comme c’est également le cas pour
l’éducation, la santé, l’énergie…) attise
désormais toutes les convoitises. Ainsi, les mesures que tente
aujourd’hui d’imposer l’OMC, à travers l’Accord Général
du Commerce des Services (AGCS), impliqueraient la fin même
de la notion de service public culturel et la transformation de pans
entiers de celui-ci, tels les musées, en de simples activités
de loisirs qui, à ce titre, seraient livrés au secteur
privé.
I.11 Loin d’être des remparts face au marché,
les Etats
participent pleinement à cette casse généralisée
en mettant en œuvre des politiques principalement dictées
par les préceptes de cette idéologie dominante. Les
politiques publiques de la culture sont elles aussi gangrenées
et désormais, bien plus que de véritables enjeux sociétaux,
ce sont bel et bien des considérants purement gestionnaires
et des critères mercantiles qui dictent de plus en plus souvent
les politiques culturelles au niveau de leurs différents responsables.
Imposer un autre monde
I.12 En finir avec cette mondialisation culturelle-là,
synonyme de standardisation et de marchandisation, où l’être
humain est confiné dans un simple rôle de consommateur,
est l’un des enjeux cruciaux pour l’avenir de l’humanité.
I.13 Une autre mondialisation de la culture,
débarrassée du diktat de l’impératif économique,
de la globalisation libérale et financière, de la course
au profit et de la volonté d’asseoir la pensée unique
sur toute l’étendue de la planète, doit permettre l’accès à d’autres
cultures et ainsi nous amener à enrichir ou à remettre
en cause notre propre modèle – car l’art et la culture sont
tout à la fois source d’humanité, d’expérience
collective et de liberté.
I.14 Par delà ses spécificités, ce
combat
ne peut être dissocié de celui à mener contre
la mondialisation libérale et financière et contre
la marchandisation en cours de l’ensemble de la planète, de
toutes les activités humaines et de toutes les ressources
naturelles.
I.15 Il ne saurait être question pour la culture
de se réfugier dans un repli identitaire aussi antinomique
que suicidaire. L’exception culturelle ne peut être une fin
en soi. Pour imposer une autre mondialisation culturelle, démocratique
et respectueuse des diversités, il nous faut militer pour
l’émergence d’une autre économie au service de l’être
humain. Il s’agit, pour les citoyens que nous sommes, de se réapproprier
l’avenir de notre monde.
2 / La culture comme outil de transformation sociale
Un lien social délié
II.1 L’affirmation d’une conception de l’humanisme
comme réalisation de l’autonomie et de l’épanouissement
des individus dans une société fondée sur la
justice sociale et la solidarité est au centre de nos préoccupations
et de notre action.
II.2 S’il existe une propriété immanente à la
culture,
c’est bien celle qui consiste à créer, renforcer et
développer le lien social ; d’où l’importance plus
que jamais cruciale de la culture au moment même où le
mouvement général de la société bouleverse
profondément la vie quotidienne des individus à travers
la disparition progressive des contacts de personne à personne
dans le voisinage, la consommation, le travail…
II.3 Le discours dominant voudrait faire croire
que grâce à la massification de l’enseignement, au développement
des industries culturelles et à la généralisation
des nouvelles technologies de l’information et de la communication
(NTIC), les aspirations, les intérêts et les besoins
des individus et des masses populaires en matière de culture
peuvent enfin être satisfaits. Malheureusement, il n’en est
rien, bien au contraire, chaque jour qui passe voit les phénomènes
de dépossession, d’aliénation et de dépersonnalisation
s’accentuer sous les effets de la standardisation de la culture :
l’actuel mouvement de marchandisation de la création, du savoir
et de la culture visant à réorganiser le capital autour
d’une économie de l’immatériel s’inscrit en contradiction
avec le principe de libre circulation des connaissances et des œuvres.
Les NTIC peuvent être porteuses d’un réel potentiel
d’émancipation humaine et de transformation sociale à condition
de concurrencer sur leur propre terrain des monopoles qui ne sont
pas définitivement acquis. Les logiciels libres et les pratiques
coopératives – non commerciales et solidaires – s’étendent
aujourd’hui à l’ensemble des domaines de la création,
du savoir et de la culture, et offrent de nouvelles perspectives
démocratiques. C’est la raison pour laquelle il faut veiller à la
liberté et à l’égalité des citoyens quant à l’accès
aux NTIC, tout en garantissant aux administrations, aux entreprises
et aux associations, une véritable marge d’autonomie et de
choix.
II.4 Constat renforcé par une emprise médiatique
sur le quotidien de plus en plus présente. Passer plusieurs
heures par jour devant la télévision ne peut pas ne
pas avoir d’influence sur le comportement général,
les choix et le mode de vie quotidien des individus. La politique
acharnée des opérateurs tourne exclusivement autour
de l’audimat et de la captation/fidélisation de l’audience
la plus forte (qui détermine les tarifs publicitaires). Dès
lors, il s’agit de s’arroger les segments de téléspectateurs/consommateurs
les plus larges possible, de gagner en permanence de nouvelles parts
de marchés face à ses concurrents – ce qui, naturellement,
a pour effet d’appauvrir les contenus. Dès lors, c’est le
règne sans partage d’une économie du spectacle qui
se caractérise par le spectaculaire, le sensationnel et le
narcissique.
II.5 Face à cette culture uniformisée générée
par l’idéologie dominante, des courants de résistance
font entendre leur voix et s’investissent dans la recherche d’une
nouvelle légitimité culturelle. Celle-ci repose sur
deux postulats indissociables :
– la culture est l’apprentissage de la liberté individuelle
et des libertés collectives , et non l’encouragement à toute
forme de servitude intellectuelle, religieuse ou idéologique;
– la démocratie est l’apprentissage de la volonté générale,
et non la confiscation du sort des peuples et des individus par quelque
minorité que ce soit.
Un service public culturel gangrené
II.6 Aujourd’hui, la légitimité de l’intervention
de l’Etat dans le domaine culturel est devenu dans notre pays un
fait acquis, et aucun gouvernement, quelque soit la personnalité du
ministre ayant en charge la culture, n’a de cesse d’affirmer sa
volonté de mener une politique volontariste dans ce secteur
– tout particulièrement en matière de démocratisation
culturelle.
II.7 Cependant, au delà d’un discours tout en
faux-semblant, force est de constater que les politiques culturelles
sont désormais perçues par les responsables politiques
comme sans réel enjeu et gérées au quotidien à travers
le prisme des seuls impératifs financiers et gestionnaires.
II.8 Comme pour l’ensemble du secteur public,
c’est désormais la logique d’une recherche d’une plus grande
efficacité au moindre coût qui prévaut au sein
du service public culturel et celui-ci est sacrifié – dans
sa présence sur l’ensemble du territoire, dans l’étendue
de ses missions, dans les moyens humains et financiers mis à sa
disposition – sur l’autel de l’austérité budgétaire
et du gel des emplois publics. Le budget alloué au Ministère
de la Culture permet-il tout juste à l’Etat de replâtrer
l’existant et de faire face, tant bien que mal, aux coûts liés à ses
missions patrimoniales, au fonctionnement de ses grandes institutions
et au financement de ses principaux partenaires institutionnels.
II.9 Dans le même temps, la ligne devient de plus
en plus floue au sein d’un département ministériel
qui peine à trouver une cohérence à l’ensemble
de ses missions, où les budgets sectoriels s’empilent sans
la moindre dynamique transversale, où les nominations s’opèrent
au sein d’un cénacle inamovible… Bref, un ministère
qui ressemble de plus en plus à un simple conglomérat
d’établissements où l’autorité des tutelles
s’arrête à la porte de baronnies chaque jour plus nombreuses.
Le tout sur fond de démantèlement au profit des collectivités
locales.
II.10 Dans un tel contexte, une des évolutions
les plus révélatrices de l’état d’esprit qui
règne désormais au sein du ministère de la Culture
est celle de l’emprise croissante des grands groupes privés
dans la vie quotidienne de ses services et établissements.
Alors même que sous couvert de diversification des financements
de véritables galeries marchandes poussent au cœur même
des établissements culturels, ce phénomène prend
de nombreuses formes, dont celle, perverse, du mécénat
d’entreprise – présenté depuis quelques années
comme une nouvelle panacée.
Une politique culturelle à réinventer
II.11 De 1959 à nos jours, l’action culturelle
(pierre angulaire de la politique d’André Malraux), le développement
culturel (au fondement de la politique de Jacques Duhamel), la création
culturelle (chère à Jack Lang), ont constitué autant
de variétés historiques – pour ne citer que les plus
marquantes d’entre elles – d’une seule et même ambition :fonder
une politique culturelle. Si tout au long de cette période,
les politiques menées sur un certain nombre de points ont été exemplaires,
force est de constater que celles-ci apparaissent désormais à bout
de souffle.
II.12 Lors de ces décennies, les efforts de la politique
culturelle en faveur de l’offre, conjugués aux effets de l’élévation
du niveau scolaire et du développement des industries culturelles,
ont contribué à réduire la distance qui séparait
la majorité de la population de la culture. Cependant, ce
que les responsables politiques et une presse trop complaisante ont
pris pour de la démocratisation n’était rien d’autre
qu’un résultat quantitatif reposant sur un comptage minutieux
des tickets d’entrée. L’augmentation générale
de la fréquentation observée dans les équipements
culturels est surtout due au fait que la population française
a augmenté et, ensuite, que les éléments les
plus investis dans la vie culturelle ont accru leur rythme de fréquentation
; elle ne signifie nullement une diversification du public ni, en
aucun cas, une démocratisation de la culture.
II.13 Si l’on veut vraiment parler de démocratisation
culturelle, on ne peut s’en tenir à suivre cette logique quantitative
et viser la loi du plus grand nombre. Il faut au contraire faire
ce qu’on dit certains ministres et qu’ils n’ont pas fait : "offrir
la plus grande liberté de choix, de la chance donnée à tous
de choisir". Il s’agit de prendre en compte la montée
des pratiques amateurs et la vitalité de la création.
II.14 L’écart entre le domaine artistique,
soutenu et développé par l’action culturelle au sens
large, et les pratiques du secteur socioculturel ne cesse de s’amplifier.
Or, la jonction entre une action de rayonnement national et une action
de proximité, entre une pratique de fréquentation des œuvres
et des pratiques d’expression artistiques, entre la production artistique
et une intervention sur les domaines de la vie quotidienne et du
loisir, bref entre l’art et son insertion sociale, est une condition
fondamentale d’une politique culturelle. Cette articulation a cruellement
manqué durant toutes ces années.
II.15 L’importance des mutations structurelles
qu’a connues la société française au cours du
dernier quart de siècle (progrès de la scolarisation,
mutations des phases du cycle de vie, précarisation de l’emploi
et renforcement de certaines formes d’exclusion sociale, diversification
des situations familiales…) laisse penser que l’hétérogénéité des
itinéraires et trajectoires sociales est aujourd’hui plus
grande que naguère. La politique culturelle à mettre
en place, si l’on veut vraiment se donner les moyens de réorienter
l’action de l’Etat en matière de démocratisation de
l’accès à la culture, doit prendre en compte les transformations
démographiques, économiques ou sociétales dont
les effets sur les rapports à l’art et à la culture
sont les plus sensibles.
II.16 Au final, la politique culturelle doit répondre
à un double défi. En premier lieu, elle doit encourager la prise
de parole de chacun et participer à la construction et à l’épanouissement
de tous. En ce sens, elle ne saurait être coupée de la de formation
initiale et continue -, laquelle a pour objectif, en s’efforçant de
créer des conditions d’égalité de compétences, de
créer les conditions d’égalité d’accès à la
culture. En second lieu, la politique culturelle participe de la construction
d’une identité collective et de la création du lien social.
L’objectif de la politique culturelle, au même titre que la
politique éducative, mais avec sa propre démarche et
ses propres moyens, est de (re)donner une raison de vivre ensemble
qui dépasse l’acquisition matérielle de biens et l’engouement
pour la bourse, un sens de la collectivité et de l’intérêt
général, des valeurs de solidarité, de justice
sociale et de fraternité.
3/ Le syndicalisme : un outil plus que jamais indispensable face
aux ravages du libéralisme triomphant
La menace de l’extrême droite
III.1 Les résultats des récentes élections
présidentielles
ont montré le fossé existant entre les partis politiques
traditionnels et une grande partie du monde du travail.
Même si le nombre de voix obtenues par J.M. Le Pen au second
tour de ces élections témoigne à l’évidence
que les idées de l’extrême droite restent largement
minoritaires dans notre pays, la présence d’un candidat du
Front national au second tour de ce scrutin ne peut que nous interpeller à double
titre – tant les idées véhiculées par l’extrême
droite sont à l’opposé des valeurs portées par
le type de syndicalisme que nous essayons de mettre ensemble en œuvre
et de celles de son domaine d’intervention
III.2 Bien sûr, ni le syndicalisme, ni la culture,
ne
détiennent à eux seuls les réponses qui permettront
de sortir de cette situation. Cependant, leurs rôles sont loin
d’être négligeables dans la recherche et la construction
collective d’alternatives aptes à répondre aux besoins
et attentes d’une partie de celles et ceux qui traduisent leur désespérance
sociale par un vote suicidaire en faveur de l’extrême droite.
III.3 Il nous faudra poursuivre notre travail d’explication
pour montrer que le programme de l’extrême droite ne peut rien
apporter de bon à personne : ni au monde du travail ni aux
plus démunis ni à l’ensemble des citoyens. Nous devrons être
encore plus présents sur le terrain pour que l’extrême
droite ne puisse plus apparaître comme un recours possible
pour toutes celles et ceux qui sont confrontés quotidiennement à une
véritable souffrance sociale, source de toutes les exaspérations.
III.4 Cependant, ne nous y trompons pas, dans un
contexte général de désyndicalisation, face
aux fausses vérités et autres lieux communs élevés
au rang de raisonnement politique que l’extrême droite a réussi à distiller
au fil des ans au sein d’une partie du monde travail, c’est une tâche
de longue haleine et de tous les instants qui nous attend pour "délepeniser" les
esprits. Pour gagner durablement contre les dangers de l’extrême
droite, il nous faut réussir à convaincre ces mêmes
personnes de transformer leur désespérance sociale
en mobilisation apte à donner un coup d’arrêt aux politiques
libérales porteuses d’insécurité sociale et économique
– celle-là mêmes qui ont conduit au cauchemar politique
du 1er tour des présidentielles.
III.5 On ne vaincra pas les dangers de l’extrême droite
sans faire reculer la misère, la précarité sociale,
le mal vivre, sans redistributions des richesses.
Un programme gouvernemental
sous influences
III.6 Cela suppose de s’opposer au programme social et
économique du gouvernement qui reprend à son compte bon nombre
des propositions antisociales exprimées par le Medef lors de son congrès
exceptionnel de janvier 2002 au cours duquel celui-ci a préconisé,
entre autres :
– la diminution du rôle de l’Etat par la décentralisation
et la délocalisation, la réduction des dépenses
publiques,
– la diminution de la fiscalité …,
– la réforme de l’assurance maladie (via l’exonération
pour les entreprises de certaines cotisations sociales,
– la rationalisation des systèmes de soins,
– la mise en concurrence des "opérateurs de soin"…,
– l’instauration de fonds de pension et l’allongement de la durée
des cotisations en matière de retraites,
– la réforme (voir l’abrogation) des 35 H.,
– la redéfinition (au seul profit des employeurs bien sûr)
des obligations en matière de dialogue social, de formation,
d’emploi…
III.7 Les différentes mesures prises par la Droite
depuis son retour au pouvoir montrent à l’évidence
que la politique que celle-ci entend mettre en œuvre est clairement
au service du patronat et des couches les plus riches de la population.
Si cette politique devait se poursuivre, elle se traduirait par une
régression sociale comme rarement notre pays en a connu –
que ce soit en matière de services publics, de retraites,
de santé, de conditions de travail…
III.8 Dans le même temps, le Gouvernement multiplie,
en les médiatisant au maximum, le recours aux pratiques sécuritaires
et la mise en place d’appareils répressifs. C’est la jeunesse
issue des couches sociales les plus défavorisées et
de l’immigration qui se retrouve ainsi violemment stigmatisée.
Par la mise en œuvre de cette politique, le Gouvernement refuse
de reconnaître qu’il existe une origine sociale à la
délinquance… et donc de traiter les causes de celle-ci.
La prévention, l’accompagnement social et l’action éducative
et culturelle dans leurs différentes composantes, seuls véritables
moyens d’enrayer le phénomène de délinquance
juvénile, ne sont pas pris en compte et le travail de fourmi
(ô combien plus efficace !) de certains magistrats, enseignants, éducateurs,
associatifs… se retrouve d’autant fragilisé.
III.9 Cette politique, qui s’inscrit dans un cadre général
visant à mettre au pas les populations les plus précarisées,
frappe également de plein fouet représentants syndicaux
et autres acteurs du mouvement social. Les discriminations observées
dans l’application de la loi à l’encontre des plus combatifs
d’entre eux, contribuent, bien au-delà du cas exemplaire de
José Bové, à réduire la liberté d’expression
populaire, fondement essentiel de la démocratie.
Un syndicalisme de lutte et de contre-pouvoirs
III.10 Face à toutes les attaques subies par le monde
du
travail, à sa précarisation de plus en plus grande,
le syndicalisme reste un outil indispensable à la défense
individuelle et collective des travailleurs.
C’est un outil nécessaire pour informer, convaincre, rassembler,
unir, organiser les luttes, transformer la réalité en
faisant en sorte que chacune et chacun devienne acteur dans cette
démarche d’émancipation sociale. Un outil au service
des intérêts collectifs de ceux et celles qui n’ont
ni le pouvoir financier, ni le pouvoir économique, ni le pouvoir
intellectuel : le monde du travail dans ses multiples réalités
actuelles. Un outil pour analyser, résister et agir sur le
monde, pour le transformer et non s’y adapter.
III.11 Alors que dans notre pays les richesses augmentent,
la précarité se développe, le chômage
persiste, et la misère s’accroît – y compris parmi la
population salariée. Les inégalités économiques
et sociales ne se résorbent pas, elles augmentent même.
Face à ce constat, il y a urgence à renouer avec la
mise en place d’un outil syndical, au niveau professionnel comme
au niveau interprofessionnel, à la hauteur des attaques et
des défis actuels.
III.12 Notre projet syndical commun vise à mettre
en
œuvre un syndicalisme de lutte et de contre-pouvoirs liant la défense
quotidienne des salariés et la transformation de la société à travers
la construction de rapports de forces aptes à favoriser l’émergence
de projets alternatifs favorables aux salariés, chômeurs, précaires…
III.13 A ce titre, le syndicalisme que nous entendons
développer ne saurait s’arrêter à la porte des
entreprises et des administrations. Défendre efficacement
les travailleurs, c’est être capable d’agir sur l’ensemble
des facteurs qui déterminent leurs conditions d’existence
; d’où la nécessité de développer une
stratégie et une pratique syndicale permettant aux salariés
de mieux faire le lien entre ce qu’ils vivent au quotidien sur leur
lieu de travail et une mondialisation libérale et financière
en marche d’un bout à l’autre de la planète.
III.14 Dans le même temps, il s’agit de dépasser
le
syndicalisme de délégation, pour faire un syndicalisme
qui agit avec les salariés, et non pas à leur place.
Ceux-ci veulent pouvoir donner leur avis, s’exprimer sur toutes les
questions qui les concernent. Il s’agit pour le syndicalisme de produire
des analyses, de les proposer, les vérifier, les enrichir.
Il s’agit de susciter les débats, de faire émerger
les revendications et les projets collectifs, décidés
et portés en toute connaissance de cause.
III.15 Cela implique, entre autres, une pratique syndicale
:
reposant sur la mobilisation, l’action et la négociation ;
cherchant à réaliser l’unité la plus large des
citoyens et la démocratie directe dans son fonctionnement
et dans les luttes ; ne se réfugiant pas dans des intérêts
catégoriels et corporatistes, mais ayant une vision interprofessionnelle
; faisant de la lutte contre la précarité, les exclusions,
les inégalités, les discriminations une priorité et à ce
titre, partenaire des structures citoyennes impliquées dans
ces mêmes combats…
IV. Un outil syndical plus efficace
Des pratiques démocratiques
IV.1 La démocratie constitue un principe fondateur
fondamental. Développer des pratiques démocratiques
contribue à rendre crédible notre projet syndical et
constitue aussi un gage d’efficacité à travers la mise
en place d’un fonctionnement favorisant le débat, permettant
l’expression des divergences et se donnant les moyens de construire
un point de vue partagé par le plus grand nombre.
IV.2 Dans cette optique, certains axes se sont déjà
fortement dégagés des discussions préalables à ce
congrès, notamment en ce qui concerne les enjeux de démocratie
interne. Ainsi, afin que le Secrétariat national de SUD Culture
ne fonctionne pas en circuit fermé (avec les risques de dérives
bureaucratiques que cela implique), mais soit réellement contrôlé par
une représentation démocratique émanant des
sections, il sera primordial que le Conseil des Sections soit un
véritable lieu d’élaboration collective.
Pour cela, l’ensemble de ses membres et les sections auxquelles
ils appartiendront, devront se donner les moyens de participer de
façon la plus optimale possible à ces réunions
(que ce soit en terme de préparation, de présence ou
de suivi). De la même façon, il sera indispensable qu’un
maximum de militant(e)s participe au travail collectif.
IV.3 Au final, par delà tous les textes et les modes
de structuration et de fonctionnement proposés, ce sera bel
et bien de la volonté de chaque section et de chaque adhérent(e)s
de participer à cette expérience ambitieuse dont dépendra
notre réussite collective, et dans un premier temps à la
réflexion sur celle-ci.
Des domaines prioritaires
IV.4 Pour la viabilité même de notre projet
commun,
il convient de dégager dès à présent
un certain nombre de domaines prioritaires.
IV.5 En matière de formation :
Tout adhérent(e) doit, à terme (s’il ou elle le désire),
pouvoir suivre une formation. En effet, qu’elle soit d’accueil, identitaire,
spécialisée… la formation est un des éléments
clés pour permettre à chacun de mieux participer à la
vie quotidienne du syndicat et d’être en capacité de
militer selon ses disponibilités.
Seule la formation peut forger une identité commune et permettre
de réussir un renouvellement régulier des structures.
IV.6 En matière d’information :
Celle-ci doit aider à mieux situer les enjeux, à améliorer
les débats, à favoriser les prises de décisions, à mutualiser
et structurer les interventions des différentes sections… Une
réflexion sur cette question devra rapidement aboutir à la
mise en place d’une politique d’information cohérente et pertinente,
prenant en compte les différents aspects de celle-ci (finalité,
destinataire, support le plus approprié…).
Par ailleurs, la création d’un site Internet, se voulant
un véritable outil syndical, devra constituer une de nos priorités.
IV.7 En matière juridique :
Au-delà des questions récurrentes liées à la
représentativité, il s’agit d’avoir une activité juridique
pour la défense des droits individuels et collectifs des salariés.
Cela passe non seulement par le recours aux conseils d’un avocat
mais aussi par la mise en place d’un groupe de militant(e)s plus
spécifiquement chargés de ces questions.
En effet, des connaissances précises et une mutualisation
des expériences sont aujourd’hui indispensables pour contrer
les attaques subies par le monde du travail. Cependant, le juridique
ne doit en aucun cas devenir une question d’expert, il doit rester
lié à notre activité militante et au combat
collectif.
IV.8 En matière revendicative :
La diversité de nos secteurs respectifs d’intervention doit
s’avérer un facteur d’enrichissement collectif. A ce titre,
il conviendra d’impulser des débats aptes à permettre
de véritables échanges autour de nos expériences
et réflexions spécifiques – tout particulièrement
en matière culturelle -, afin d’aboutir rapidement à des
positionnements collectifs et à des propositions concrètes
dans ce domaine.
IV.9 En matière de développement :
Vouloir être une alternative suppose un renforcement numérique,
géographique et professionnel de notre syndicat. Il nous faudra
donc, d’une part, aider à la consolidation et au renforcement
des différents secteurs où nous sommes déjà présents,
et, d’autre part, être en capacité de nous implanter
là où nous ne le sommes pas encore. Pour cela, il nous
faudra être davantage visibles et être en mesure d’accueillir
et d’aider celles et ceux qui voudraient nous rejoindre.
Dans cette perspective, il convient de rappeler qu’en l’étape
actuelle de notre développement, les prochaines échéances électorales
au sein du ministère de la Culture (fin 2003) constitue un
enjeu primordial pour le syndicat Sud Culture et l’ensemble de ses
sections – tant il est vrai que l’essentiel des moyens (humains,
matériels…) dont nous disposons aujourd’hui au niveau
national restent tributaires de ceux dégagés grâce
aux résultats électoraux obtenus dans ce secteur.
Des liens étroits avec l’union
syndicale G10 Solidaires
IV.10 Le niveau professionnel et le niveau
interprofessionnel sont tous les deux indissociables dans le syndicalisme
de lutte et de transformation sociale que nous entendons développer.
Si, bien sûr, l’action professionnelle reste indispensable,
elle n’est pas suffisante pour gagner sur les grandes questions sociales.
C’est pourquoi notre projet syndical s’inscrit pleinement dans la
construction et le développement de l’union syndicale G10
Solidaires – au plan national comme au plan local.
IV.11 Renforcer le poids du G10 Solidaires,
c’est permettre à celui-ci de mieux peser dans les différents
rapports de forces aptes à favoriser une évolution
plus large du mouvement syndical et la mise en œuvre de propositions
alternatives.
IV.12 Cette participation se veut résolument active.
Elle implique que le syndicat Sud Culture dégage des moyens
(humains, financiers…) permettant une participation concrète
au fonctionnement et au développement du G10 Solidaires –
aussi bien au niveau national (Bureau, commissions, Conseil national …)
qu’au sein des G10 Solidaires locaux.
IV.13 Dans le même temps, il s’agira de veiller à ce
que
l’interprofessionnel ne soit pas l’affaire de quelques "spécialistes" au
niveau national comme au sein de chaque section. Il est indispensable
que les débats et travaux qui se déroulent au sein
des différentes instances de l’Union syndicale G10 Solidaires
irriguent l’ensemble des composantes de notre syndicat. L’interprofessionnel
doit bel et bien être une priorité collective de chacun
et constituer un axe permanent de notre réflexion et de notre
activité.
Un syndicalisme ancré dans
la société
IV.14 Lors de son dernier congrès, l’Union syndicale
G10 Solidaires a réaffirmé qu’elle n’était pas
une fin en soi, mais un moyen pour que le syndicalisme de contre-pouvoirs
et de transformations sociales qu’elle défend devienne majoritaire
parmi les salariés. Le syndicat Sud Culture fait sienne cette
affirmation et s’inscrit pleinement dans les différentes initiatives
qui viseront à favoriser la mise en œuvre d’un pôle
syndical interprofessionnel regroupant l’ensemble des forces qui
refusent dans notre pays l’accompagnement du (social)-libéralisme.
IV.15 Dans le même temps, nous continuerons d’agir
aux côtés de tous les "sans" : sans-travail,
sans-logement, sans-papiers… et des autres forces sociales
engagées dans la lutte contre la précarité,
les exclusions, les inégalités, les discriminations… En
effet, les luttes menées par ces différentes structures
(tels : AC ! (Agir ensemble contre le chômage), DAL (Droit
Au Logement), Droits devant !!, Collectifs de sans-papiers…)
et celles que nous menons au sein de notre propre champ syndical,
relèvent à l’évidence d’un seul et même
combat.
Dès lors, il s’agit, ensemble, d’impulser des analyses et
des mobilisations aptes à permettre la construction d’un meilleur
rapport de force pour imposer des contre-pouvoirs dans la société.
Cet engagement trouve également sa traduction par l’aide logistique,
financière, matérielle…que nous pouvons apporter à ces
structures, dans la limite de nos moyens – que ce soit en tant que
sections, que syndicat ou encore qu’union syndicale dans l’avenir.
IV.16 Face à la mondialisation du capital,
qui a des conséquences concrètes sur la vie des travailleurs
et des peuples, la construction de rapports de forces à l’échelle
internationale doit faire partie intégrante de la stratégie
d’action du mouvement syndical. C’est tout le sens de notre participation
aux différentes mobilisations initiées dans ce domaine.
Cet engagement ne doit pas se limiter à la présence
symbolique de quelques militants lors de ces initiatives mais également
se traduire par un travail de sensibilisation en direction des salariés
afin que ceux-ci puissent mieux faire le lien entre ces mobilisations
et ce qu’ils vivent concrètement.
IV.17 La construction d’un rapport de force au
niveau international passe également par la constitution d’un
réseau entre les différentes forces syndicales qui à travers
la planète partagent aujourd’hui des analyses similaires.
A ce titre – et en s’appuyant sur les différentes initiatives
prises par l’Union syndicale G10 Solidaires dans ce domaine -, le
syndicat Sud Culture devra rapidement mettre en œuvre une politique
volontariste visant à nouer des contacts avec d’autres organisations,
principalement au niveau européen, œuvrant dans le secteur
culturel.
Un nouveau défi à relever
IV.18 Le développement qu’a connu depuis sa création,
pourtant récente, le syndicat Sud-Culture, ainsi que la confiance
grandissante que lui ont accordé les salariés tout
au long de cette même période, témoignent à l’évidence
que le projet syndical qui nous guide répond à une
attente bien réelle.
IV.19 Cette responsabilité nous a amené à réfléchir
tout au long de l’élaboration de ce présent congrès à la
perspective d’une structuration plus à même de permettre
une plus grande efficacité au service des adhérents
et salariés relevant de la culture, des arts, du spectacle,
de l’éducation populaire, de l’audiovisuel, etc..
IV.20 La création d’une union de syndicats
nous apparaît comme la réponse la plus appropriée.
IV.21 Cette nouvelle structuration, dont la forme
concrète sera à définir en lien avec toutes
les structures intéressées, doit constituer un axe
de travail prioritaire de Sud Culture au lendemain même de
ce congrès. Il s’agira à travers l’évolution
proposée de poursuivre, en l’améliorant, la mise en
place d’un syndicalisme proche de ses adhérents et des salariés.