En 2023, Victoria artiste plasticienne, gagne un prix du salon de Montrouge.
Ce prix prend la forme d’un contrat de production et d’exploitation des droits d’auteurs avec l’association Orange Rouge, dans lequel l’artiste doit réaliser une œuvre en collaboration avec une classe ULIS d’un collège. Cette œuvre devra être exposée dans un lieu communiqué ultérieurement. En 2024, Victoria se rend dans un collège afin de réaliser ses ateliers avec les enfants. Elle y est victime de propos transphobes de la part d’une élève.

Ces propos ne seront jamais repris auprès de l’élève par les adultes présent·es ce jour-là. Dans ce même collège, Victoria avait rencontrée une enseignante d’arts plastiques qui voulait développer avec elle un projet pour que les élèves “puissent rencontrer une personne trans en vrai”. Ces incidents entraînent un arrêt de travail.
Dans une volonté de reprendre son travail auprès de cette classe, Victoria demande si un dispositif de prévention et de médiation peut être mis en place pour former l’association et le corps enseignant aux violences de genre. L’association Orange Rouge accepte à condition que l’artiste prenne en charge son coût via le budget de production de l’œuvre, qui s’élève à 1000 euros. Celle-ci ne réalise donc pas d’action de prévention afin de ne pas entamer son budget de création.
Suite à l’arrêt maladie de Victoria, l’association s’engage à décaler la création de l’œuvre et à rémunérer des heures de travail supplémentaires à la rentrée suivante. Pourtant, quelques jours plus tard, l’association Orange Rouge informe l’artiste de la résiliation de son contrat, invoquant le refus de l’enseignante de prolonger le partenariat. Cependant, lorsque Victoria exprime son souhait de terminer l’œuvre, on lui oppose un refus catégorique. Après plusieurs mois de lutte, elle obtient le paiement de seulement un tiers des frais déjà engagés pour la création ainsi que le paiement de la somme prévue par le contrat. En conséquence de la décision de la directrice d’Orange Rouge, l’artiste perd également tous les éléments de son œuvre artistique qui ont été distribués aux élèves.
Nous posons la question, à qui appartient cette œuvre ? Qui peut décider de ce qui fait œuvre, l’artiste ou la directrice de l’association ? La conséquence est que l’œuvre ne sera jamais exposée, contrairement aux engagements de l’association.
La situation de Victoria croise des problématiques liées à la précarité du statut d’artiste-autrice et de la responsabilité de l’association Orange-Rouge, du collège et de l’Éducation Nationale dans cette situation de discrimination transphobe.
La situation de Victoria illustre un exemple classique d’abus de pouvoir de la part de diffuseurs. Lorsque l’artiste est dans l’incapacité de poursuivre ses ateliers, le diffuseur résilie la commande sans autre forme de procès. Si Victoria n’était pas sous le statut d’artiste-auteur·ice, cela s’apparenterait à un licenciement abusif. Nous dénonçons l’exploitation de ce statut à travers des contrats de commande aux termes ambigus (voir parfois l’absence de contrats), permettant aux diffuseurs de rompre unilatéralement leurs engagements sans offrir aucune compensation ou quelques miettes. La protection des travailleur·ses ne doit pas être une variable ajustable selon les volontés des structures !
La transphobie est présente dans le milieu de l’art, de l’éducation nationale, et, plus largement, dans la société. Plus les statuts sont précaires et plus les travailleur·euses opprimé·es sont exposé·es aux discriminations. Nous demandons aux structures culturelles et à l’éducation nationale de se former aux violences de genre ainsi qu’à l’accueil des personnes trans dans leurs équipes. Il est urgent d’agir dès maintenant afin de prévenir des drames et limiter les traumatismes pour les personnes concernées qui combattent déjà au jour le jour une société patriarcale. Par ailleurs, afin de permettre à tous·tes les artistes auteur·ices de vivre dignement et de renforcer leur position de négociation auprès des diffuseurs, il est essentiel de garantir une protection sociale complète (assurance chômage, congés payés, accident du travail et maladie professionnelle) et des contrats de commandes encadrés par des dispositions législatives claires.
Nous constatons l’utilisation de plus en plus fréquente par les événements artistiques de la mise en place de prix qui sont en fait des contrats précaires. Si de base, nous dénonçons la mise en concurrence entre artistes et la logique des prix, nous la trouvons encore plus odieuse lorsqu’il s’agit de donner un contrat à un·e artiste (souvent émergent·e et jeune) qui n’est pas en condition de le refuser et avec très peu de possibilité de négociation. Cette nouvelle mode révèle à quel point la question du travail devient un luxe dans le milieu de l’art et de la culture, il s’agit désormais de le gagner ! Nous dénonçons donc également la responsabilité du Salon de Montrouge.
Le 1er mars, Victoria a décidé de porter plainte contre l’association Orange Rouge pour discrimination fondée sur l’identité de genre et entrave à l’exercice d’une activité économique. Elle a également saisie le défenseur des droits ainsi que le médiateur de l’éducation nationale.
Pour un accès de tous·tes à des conditions de travail dignes et contre la transphobie, nous soutenons Victoria dans son combat !