Pour la première fois de son histoire, le Louvre annule une exposition à peine inaugurée. Ce n’est pas une simple péripétie.
Mardi 14 novembre nous apprenions la fin anticipée de la partie 2 de l’exposition « Naples à Paris » et l’annulation de l’exposition Claude Gillot (après trois jours d’ouverture au public), en raison d’importantes inondations. Et, fait coutumier de la direction, les équipes en charge des expositions ont appris cette décision par voie de presse.
SUD Culture exige une enquête immédiate pour analyser les causes de ce désastre.
Pourquoi n’a-t-on pas écouté les personnels qui, en début d’été, se sont déplacés en masse pour dire, notamment,qu’ils constataient et subissaient quotidiennement la dégradation du bâtiment et le tragique accroissement de la vétusté du palais et de ses équipements ? De nombreux travaux d’importance ont été repoussés ; où est passé l’argent prévu ?
Alors que sept schémas directeurs ont été adoptés en Conseil d’Administration, force est de constater que leur mise en œuvre n’est pas acquise dans les temps prévus et que le maintien de leur budget est incertain (des financements ont-ils été fléchés vers d’autres projets de la direction, sans que l’on puisse définir quelle est l’ampleur de ces modifications ni ses bénéficiaires ?).
Pourquoi les instances dédiées du personnel ne sont plus ni informées, ni consultées bien en amont des projets ? Le nombre de fois où SUD a alerté sur la nécessité de tenir compte de la matérialité du musée ne se compte plus.
Nous sommes en colère, car la même direction qui prétend modifier en profondeur (et en même temps) l’espace des expositions, l’entrée Denon et l’aile de la Colonnade de Perrault ne paraît pas se donner les moyens de ses missions.
Pas plus qu’elle ne s’entoure des expertises nécessaires, ne serait-ce que pour garantir la tenue d’une exposition…
Et, malgré les éléments de langage à destination des médias visant à atténuer les responsabilités de la direction, si les fuites d’eau ne sont pas une nouveauté au sein du palais, c’est bien la première fois que l’on atteint ce niveau d’inconséquence. Le risque – connu – des inondations, s’il n’a pas toujours été suffisamment maîtrisé, a toujours été assez anticipé pour éviter ce type de déboire.
Madame la présidente,
Votre fonction vous donne la responsabilité du désastre qui vient de se produire. Quels enseignements en tirez-vous et quelles mesures comptez-vous prendre pour surmonter ce que nous ressentons comme une honte : le musée du Louvre n’est plus capable de garantir qu’une exposition se tienne, ne permet plus l’exposition temporaire d’une des plus belles collections au monde de dessins et de pastels.
Le Louvre « en grand », comme vous l’aviez souhaité, qui n’est plus même en mesure d’assurer la tenue d’une exposition, n’est-il pas en train de devenir un Louvre au rabais ?
Si le Louvre doit s’inscrire dans l’avenir, cela ne peut se faire sans prendre soin de l’héritage du passé.
Travailler sur de nouveaux concepts muséaux, soit ; créer l’événement, pourquoi pas. Mais ne jamais oublier que le musée du Louvre est une construction multi-séculaire, dont le cœur de mission est d’assurer la transmission du passé au présent et au futur. L’une des missions qui fonde l’existence même du musée, montrer les collections dont il a la garde, ne peut aujourd’hui plus être exercée : le département des arts graphiques n’a ainsi plus d’espace dédié, ni même d’accès aux espaces communs d’expositions.
On le dit et le redit, il y a une réalité du bâtiment et de ses murs qu’on ne peut repousser à l’infini, dont on doit garantir la maintenance. Le dialogue avec l’art contemporain, la construction de nouveaux espaces ne peuvent se faire au détriment de ce qui existe déjà.
A trop charger la barque, elle coule…
SUD Culture Solidaires – Section Louvre, le 19/11/2023