ARCHÉOLOGIE : QUAND L’ÉCONOMIE PREND LE PAS SUR LA PROTECTION DES VESTIGES

Non content de mettre la pression sur les acteurs de l’archéologie préventive (Services Patrimoniaux, opérateurs ou aménageurs) pour forcer la reprise de l’activité en plein confinement, l’État vient d’exaucer le rêve des aménageurs en éradiquant, entre autre, la fameuse « contrainte archéologique ».
Le décret du 8 avril 2020 (2020-412) accorde des droits de dérogation élargis aux préfets de régions et de départements, sur la base de la triste expérimentation entamée en 2018, suite au passage du cyclone Irma sur les Antilles. Les préfets vont ainsi pouvoir s’asseoir sur les parties réglementaires de différents codes (Construction, Urbanisme, Environnement, Patrimoine, …). Pour le gouvernement, préparer un plan de relance économique consiste en réalité à supprimer toutes les « contraintes administratives », à commencer par celles de l’archéologie.

SUD Culture Solidaires est abasourdi de voir une telle hâte dans la prise de dispositions qui remettent en cause le principe d’application du droit autant que l’égalité devant celui-ci. En quoi la suppression des normes peut-elle être justifée par « un motif d’intérêt général » tel que précisé dans ce décret, puisque ces normes ont été édictées justement pour garantir l’intérêt général, ici en particulier de la connaissance du patrimoine archéologique enfoui ? Comment peut-on également laisser aux préfets seuls la possibilité d’appréciation des « circonstances locales » ? Les termes choisis sont d’ailleurs volontairement assez fous pour que lesdits préfets n’aient pas besoin de réellement justifier leurs décisions.
Les objectifs sont en revanche très explicites : « avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure… », autrement dit, couper court au mécanisme de prescription.Le Ministère de la Culture devra rapidement expliciter l’étendue de ce décret dans son champ de protection du patrimoine archéologique.
On ne voit pas comment, au nom d’une hypothétique relance d’une croissance qu’ils pensent infinie, détruire les vestiges archéologiques pourrait « être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ».
L’archéologie préventive, toujours ressentie dans le dogme néolibéral comme un empêchement de bétonner en rond, risque bien d’être sacrifiée sur l’autel de la relance.


A Paris, le 15/04/2020

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