Un ministère dans le déni ?

Compte-rendu du rendez-vous au ministère à la suite de la mobilisation du 12 juin 2025

Une mobilisation inédite !
Plus de 1300 archéologues dans la rue à Paris jeudi 12 juin pour défendre l’archéologie préventive ! Près d’un tiers des archéologues de France était dans la rue pour défendre les missions, les emplois, le patrimoine et la recherche !
Bravo à tou·te·s les collègues qui ont pu se mobiliser : archéologues territoriaux (une trentaine représentée venu.e.s de toute la France), toutes les régions de l’Inrap, six opérateurs privés, sept Services Régionaux d’Archéologie, les très (trop) nombreux privé.e.s d’emploi et précaires (GAEL, Collectifs de lutte des archéologues), un cortège de plus d’une centaine d’étudiant.e.s, des enseignant.e.s et des chercheur.e.s (neuf universités et plusieurs laboratoires CNRS) et au moins trois structures muséales majeures. Entre autres !

Un ministère de tutelle qui n’a rien compris : ni à la mobilisation, ni aux dangers qui pèsent sur l’archéologie. 

Dire que le Ministère n’a pas pris la mesure de la mobilisation et des conséquences graves que pourraient avoir les mesures de réduction drastique déjà en cours, c’est peu dire. 

Reçue par la direction de cabinet de la ministre, le lendemain (sinon, on nous proposait de quitter la manif ‘ avant qu’elle ne commence pour un RDV à 13h), l’intersyndicale CGT- FSU- SUD- CNT s’est rendue à cette réunion avec une délégation représentative de l’ensemble des archéologues mobilisé.e.s : Inrap, SRA, collectivités territoriales, opérateurs privés, collectifs de précaires et étudiant.e.s. Le ministère a laissé la place à quasiment 3 heures d’échanges. 

Pourtant, le cabinet de la ministre n’avait concrètement rien à déclarer sur l’archéologie. Le ministère nous assure que le Pôle Patrimoine dans le projet de loi de finances 2026 sera une priorité et que le réabondement au budget 2025 sera une priorité… Si ce réabondement en gestion se fait, il sera de toute façon insuffisant et arrivera probablement trop tard pour engager les moyens sur le terrain cette année. La rallonge déjà obtenue d’un petit million d’euros pour le budget « diagnostic » de l’INRAP, dépensée avant même d’avoir été versée, vient boucher une dent creuse pour monter à 65 000 JH de diagnostic au lieu des 82000 nécessaires au bas mot. Ce n’est clairement pas à la hauteur des difficultés rencontrées par le secteur et des tensions créées sur tout le dispositif. Rappelons que les baisses de moyens, en 2025, sur les missions de service public sont déjà de l’ordre de 25 à 32 % à l’Inrap et dans les Services Régionaux de l’Archéologie, sans compter les baisses de dotation dans les collectivités territoriales. 

Les représentant.e.s de la ministre n’ont absolument pas montré que le ministère de tutelle de l’archéologie avait pour volonté de sauver… l’archéologie ! Préférant jouer la défensive, reprochant tour à tour aux syndicats d’avoir fait fuiter la note de la SDA sur l’agrivoltaïque, d’avoir accusé à tort le ministère d’agir sous le poids des lobbys, etc. 

Aux questions posées sur le meilleur financement des opérations de diagnostics archéologiques pour l’Inrap et les services territoriaux : pas de réponses.

Aux questions posées sur les créations d’emplois et la lutte contre la précarité : pas de réponses, à part mettre en avant l’apprentissage comme une solution « miracle ». 

Aux questions posées sur la dégradation totale des moyens des fouilles programmées : pas de réponses. 

Attaque législative repoussée pour l’instant ! 

En partie grâce à notre mobilisation depuis 6 semaines, l’Assemblée nationale a finalement refusé que la loi, dite de simplification économique, ne permette la fin de l’archéologie préventive sur les grands projets d’aménagement. Vendredi 13 juin dans l’après-midi, 4 amendements de suppression de l’article  15bisC, dont celui soumis par le gouvernement, ont été votés dans un hémicycle pratiquement vide, par 30 député.e.s contre 17 (les député.e.s RN et UDR ont systématiquement voté contre toutes les mesures en faveur du patrimoine, de l’archéologie préventive et de l’environnement). La mobilisation a donc porté ses fruits. Lancée depuis le mois d’avril, elle a permis d’alerter nos interlocuteurs et de sensibiliser les députés dont certain.e.s se sont fait l’écho de notre situation. Toutefois, le processus législatif n’est pas achevé. Il existe la possibilité que la loi soit rejetée à l’Assemblée nationale ce 17  juin, ce qui déclencherait la mise en place d’une commission mixte paritaire (CMP) à la rentrée suivante.  Des dispositions abandonnées pourraient revoir le jour à cette occasion. 

Le combat doit continuer. 

D’autres attaques sont en cours contre les prescriptions archéologiques, comme dans le cadre de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur  (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/1437/AN/2243). La période est donc à la contestation du principe de sauvegarde du patrimoine archéologique ! 

Les choix budgétaires qui mettent en danger toute la discipline en remettant en question l’acceptabilité même de l’archéologie préventive doivent être combattus jusqu’à ce que la ministre et son camp le comprennent : pas de moyens, pas d’emploi, pas d’opérations = remise en cause du dispositif ! 

Résultats : des chantiers bloqués, des sites archéologiques détruits, et des centaines d’archéologues au chômage… À vouloir raboter l’activité plutôt que nous donner les moyens d’intervenir, on prépare une catastrophe scientifique, sociale et économique pour tout le secteur. On met en péril, par un travail de sape, tout le dispositif chèrement construit en 2001 !  

Le ministère doit cesser ses pressions sur les SRA pour faire sauter les prescriptions qu’il ne juge pas rentables ! Pour l’instant, ils nient en bloc ! 

Pourtant, répétons-le : le système est intégralement financé ! Donnons à l’archéologie préventive la totalité du revenu des taxes d’archéologie préventive ! Ce que rapporte la TAP doit être affecté aux missions de service public en archéologie ! 

Nous appelons donc l’ensemble des collègues à prévoir rapidement partout des mobilisations locales, devant les DRAC, devant les préfectures…  

Continuons les mobilisations ! 

Sans luttes, pas de victoire !  

Le préavis de grève court jusqu’au 27 juin ! La bataille ne fait que commencer ! D’autres suivront !

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