Pour la sauvegarde du patrimoine Archéologique
Dans une déclaration au Parisien du 4 avril 2024, vous avez souhaité apporter votre soutien aux architectes des Bâtiments de France, dont la mission est trop souvent décriée et les avis fréquemment critiqués. En creux, vous avez aussi fait le choix de mettre à mal le travail des archéologues. Nous vivons vos propos comme une attaque ouverte et frontale à la sauvegarde du patrimoine archéologique.
Vous êtes la Ministre de la Culture. Le champ d’action de ce ministère englobe la sauvegarde du patrimoine archéologique depuis sa création. Cette mission est inscrite dans la loi française depuis 1942 et le bureau des fouilles et des antiquités a été mis en place dès 1945. Il s’agit donc bien d’une préoccupation sociétale fondamentale et non pas « de faire des fouilles pour se faire plaisir ».
Vous êtes magistrate, votre formation doit vous conduire à prononcer un jugement conforme au droit. Or la France est signataire depuis le 16 janvier 1992 de la Convention Européenne pour la protection du patrimoine archéologique de La Valette. Elle a ratifié la convention et elle est entrée en vigueur dans notre pays le 11 janvier 1996. Le Parlement et le Sénat ont voté, le 17 janvier 2001, la loi 2001-44 relative à l’archéologie préventive intégrée trois ans plus tard dans la partie législative du Code du Patrimoine qui est un des piliers de notre ministère.
Cette succession de démarches législatives a permis de construire un mode de fonctionnement qui, bon an mal an, fait ses preuves depuis maintenant 23 ans et a permis d’intégrer cette sauvegarde du patrimoine archéologique dans le processus de l’aménagement du territoire. Les services régionaux de l’archéologie, au sein des DRAC dont vous avez la charge, travaillent quotidiennement à l’instruction de dossiers d’aménagement et réalisent quotidiennement des choix, précisément afin de concilier le développement économique des territoires avec cette sauvegarde du patrimoine archéologique. Ainsi, seulement 10 % en moyenne des dossiers reçus font l’objet de prescriptions de diagnostics. Nous sommes loin, là encore, « de faire des fouilles pour se faire plaisir ». Ensuite, si le diagnostic a révélé des vestiges, un nouveau choix est opéré afin de sélectionner les sites qui sont susceptibles de faire avancer les connaissances des populations passées.
Les collègues des universités et du CNRS ont associé les archéologues œuvrant dans le domaine de l’archéologie préventive dans leurs équipes de recherche pour élaborer des synthèses scientifiques qui révolutionnent nos connaissances des sociétés du Passé. Donc non, nous ne creusons pas « un trou pour creuser un trou ». À chaque étape de la procédure, une réflexion scientifique et épistémologique s’opère.
Votre déclaration méprise les personnes et les aménageurs, en particulier, qui, depuis 23 ans ont intégré les coûts et les procédures dans leur projet. L’INRAP (un établissement du Ministère de la Culture) a mis en place un club Aménageurs qui compte plus d’une centaine de membres aujourd’hui. Les collectivités territoriales, quelle que soit leur échelle, ont créé des services archéologiques afin d’accompagner l’État dans cette belle et noble mission. Des sociétés privées très compétentes ont été développées et permettent de pallier les carences des pouvoirs publics à faire réaliser les fouilles dans des délais soutenables pour les aménageurs.
Donc non, définitivement non, nous ne faisons pas des fouilles pour nous faire plaisir et nous ne creusons pas des trous pour creuser des trous. L’article du Parisien du 4 avril 2024 cite dans votre bouche des propos particulièrement blessants et offensants pour ceux dont vous avez la charge en premier lieu et pour ceux avec qui nous travaillons, aménageurs et opérateurs, et qui ont compris l’intérêt collectif que représente notre mission et qui ont fait contre mauvaise fortune, bon cœur.
Madame la ministre, moins de trois mois après votre nomination, vous avez déjà perdu notre respect.