INRAP : « À l’INRAP, le déplacement c’est la règle ! »

Ou comment transformer les archéologues en mercenaires de la vidange

Depuis bientôt 17 ans que l’INRAP existe, l’administration nous éclaire enfin, lors d’un CTC de 2018, sur le véritable mode de gestion appliqué aux équipes opérationnelles de l’établissement : le grand déplacement et puis c’est tout…

Une question budgétaire ?

Les dirigeants successifs de l’Inrap ont tous affiché comme priorité le redressement des comptes de l’établissement, par la libéralisation des missions avec des affectations des agents dans d’autres interrégions, soi-disant, pour supprimer les NAF.

Pourtant, il n’a jamais été démontré que le déplacement, à tout va, soit le mode de fonctionnement le plus économique. Bien au contraire, il est facile de démontrer qu’une base « d’opérations extérieures » coûte beaucoup plus cher en fonctionnement qu’une base dont les agents interviennent en rayon plus limité et quotidien.

Il y a matière à s’interroger sur le coût des déplacements dans le budget annuel de l’établissement. Depuis 2009, pas moins de 9 Millions d’Euros consacrés tous les ans aux déplacements et 12 millions pour la seule année 2012 (chiffres fournis par le rapport d’activité de l’Inrap). La situation n’a guère changé.
L’administration a même avoué qu’un agent en grand déplacement à l’autre bout du territoire coûte davantage qu’un agent non affecté dans son propre centre.

Une cohérence scientifique

Bien évidemment, il n’a échappé à personne que le scientifique relève pour beaucoup de l’affichage et de belles déclarations d’intentions, dont la présidence actuelle est la digne héritière. Il y a certes les médias devant lesquels, il est fait bonne figure ! Et puis, il y a l’autre réalité, celle du quotidien des agents où le scientifique relève davantage, du cas par cas, pour ne pas dire de la loterie. On compte beaucoup sur la passion des collègues pour faire tourner les chantiers, tenter d’étudier les vestiges pour appréhender le passé, malgré l’insuffisance des moyens consentis pour y parvenir.

Partout les mêmes sites ?

Ben non évidemment ! Autant les périodes d’apprentissage peuvent être propices à la découverte de contextes et territoires variés, mais pas la Recherche sur le long terme qui a bien d’autres exigences. Même s’il y a toujours des exceptions, ce n’est un secret pour personne que l’on gagne en efficacité et en connaissance à fixer les équipes sur des terroirs plutôt que de fonctionner à coups d’escadrons volants qui doivent sans cesse s’adapter à de nouveaux contextes archéologiques.

Ignorer un problème est encore le plus sûr moyen de le résoudre

Et la vie des agents dans tout ça ?

Pas facile de construire une vie sociale, une vie familiale compte tenu de ce mode d’organisation. Il y a beaucoup trop de laissés-pour-compte, de vies gâchées, de professionnels aux compétences perdues qui se sont lassés du quotidien, qui réjouit parfois, mais détruit aussi beaucoup trop. En découlent bien des problèmes familiaux, addictions, burn-out, frustrations et même démissions des plus passionnés.

Et pour la planète ?

À l’heure où l’urgence écologique s’impose comme une évidence, doit-on attendre le déluge pour prendre les mesures nécessaires ? Il est pourtant urgent de redéfinir un maillage cohérent des centres archéologiques afin de limiter nos déplacements, ses nuisances pour la vie des agents et l’environnement.

Les premiers retours sur la réforme territoriale des régions montrent d’ailleurs que l’élargissement du rayon d’action du pôle principal conduit à une conséquente augmentation des déplacements lointains.

Et pour nous ?

Organisons enfin un véritable travail d’équipes scientifiques, dans des centres à échelle humaine, de plus faible capacité, mais plus nombreux et mieux répartis. C’est ainsi que l’établissement pourra faire face avec plus d’efficacité aux différentes interventions sur l’ensemble du territoire.

La multiplication de centres de taille plus modeste (<25 agents ?), plus proches des agents, présenterait potentiellement un coût qui reste cependant à évaluer par rapport aux « centralisations » sur de grands centres. Ce coût serait compensé, à l’évidence, par la limitation des grands déplacements à des circonstances devenues exceptionnelles et choisies. Cette organisation présenterait les avantages suivants :

  • Meilleure prise en considération de la vie sociale et familiale des agents.
  • Affecter les agents scientifiques sur des terroirs, ce qui serait plus en accord avec une émulation de la recherche et un gage d’efficacité en raison d’une meilleure connaissance des terrains.
  • Facilité d’organiser les cohésions d’équipes sur l’effectif plus réduit d’un « petit centre ».
  • Meilleure coordination avec les organismes locaux et les aménageurs qui trouveraient dans ces équipes des interlocuteurs et intervenants de terrain habituels.
  • Facilité, sur un effectif plus réduit, de définir la planification des affectations.
  • Meilleure réactivité du fait d’une certaine proximité de ces centres avec les projets d’aménagements.
  • Réduction de l’impact sur l’écologie, donc le respect des engagements de la charte développement durable des établissements publics.
  • Meilleure efficacité pour la prévention, car cela entraîne la suppression de nombreux risques.
  • Amélioration des conditions du travail et de gestion, donc de la qualité des relations.
  • Réduction des frais pour la structure, engendrés par un trop grand nombre de missions en grand déplacement et de leur organisation.

La liste de ces avantages ne s’arrête probablement pas à cette énumération.

Bien évidemment, la Direction et ses tutelles prônent la logique inverse qui consiste plutôt à réduire le nombre de centres de tailles modestes pour centraliser les effectifs sur des « bases-usines », persuadées que cette politique est un gage d’économie. Il est aussi toujours plus simple de perpétuer un modèle qui ne fonctionne pas plutôt que de remettre à plat l’organisation de l’établissement, dont l’un des problèmes se situe à l’échelon intermédiaire des directions régionales / interrégionales, en situation de concurrence les unes avec les autres vis-à-vis des moyens.

Mais avant tout, c’est aux agents de se réapproprier l’établissement pour Ré-humaniser le travail et redonner du sens à nos missions. Une réforme de son organisation ne viendra certainement pas de dirigeants qui sont nommés là pour quelques mois ou années. Etant de passage, ces derniers s’évertuent à colmater les voies d’eau tandis que d’autres apparaissent, sans, à aucun moment, aborder les véritables problèmes de fond sur l’organisation du travail de l’Institut de recherches et la mise en oeuvre de nos missions dans le cadre du service public.

Élections pro FP 2018 - Ensemble

SUD-Culture-Solidaires, section INRAP, le 21 novembre 2018