Le vendredi 2 juin, s’est tenue l’audience du procès au pénal de Jamila A. contre le directeur administratif et la directrice artistique du Studio théâtre de Stains. Ce procès intervenait après le procès aux prud’hommes, remporté en départage par Jamila A., et donc une première reconnaissance des faits de discrimination pour grossesse et de harcèlement moral. Il est le résultat de la saisine et de l’enquête faite par l’inspection du travail. Dans les deux procédures, Sud Culture Solidaires s’est porté partie civile en soutien de la plainte de Jamila A.
Au bout de 6 heures d’audience, les réquisitions sont lourdes pour les deux prévenu-es. Le procureur a requis :
· Une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis pour le directeur administratif du théâtre, assortie de l’interdiction de travailler en lien avec la gestion de ressources humaines,
· Une peine de 6 mois avec sursis pour la directrice artistique du théâtre,
· L’affichage de la condamnation durant deux mois dans les locaux du théâtre.
Il s’agit là d’une lourde réquisition, assez rare, qui mérite donc d’être soulignée, indépendamment du délibéré final de la Cour renvoyé au 22 septembre.
L’audience a une nouvelle fois laissé voir une conception pathogène des relations de travail au sein du théâtre. Ainsi l’un des témoins, conjoint de la prévenue – lien que la défense a dissimulé à la Cour -, a expliqué sans sourciller, qu’il était normal de se parler avec violence dans les coulisses d’un théâtre pour minimiser la portée des invectives de la direction envers Jamila. Plus largement, le tableau de comédien-ne-s réduit-es à des pantins aux mains des metteur-euses en scène était au centre de la défense des prévenu-es. Après deux ans de procédure, la direction du théâtre ne semble avoir retenu aucune leçon et reste figée dans le sentiment d’une trahison par celle qui était « leur » comédienne. Iels ont ainsi persisté à présenter les enregistrements comme un piège, essayant ainsi d’inverser la charge, comme si le problème était un manque de loyauté, du fait des enregistrements réalisés par Jamila et d’autres, et non la violence des insultes et des menaces qu’ils recèlent. Sans ces enregistrements, un tel procès n’aurait pu se tenir par manque de preuves. Combien de salarié-es se voient interdit-es de faire reconnaitre les torts qu’iels subissent dans des cas similaires en l’absence de ces preuves ?
Ce procès montre le chemin qu’il reste à parcourir dans les milieux du spectacle vivant pour protéger les femmes contre les violences et les discriminations. L’impunité qui perdure dans ce milieu est plus qu’inquiétante ! Il est l’heure de faire évoluer les pratiques.
A ce titre, la condamnation de la direction du théâtre constituera un appui pour toutes les travailleur-ses du secteur pour faire reconnaitre les liens de subordination au sein du spectacle vivant et la nécessité d’y faire respecter le droit du travail comme ailleurs !