Après deux ans de lutte, Jamila vient de remporter une victoire au pénal importante. Le tribunal reconnaît la discrimination en raison d’une grossesse et condamne les deux dirigeants du Studio théâtre de Stains à 12 mois avec sursis. Cela fait suite à une première victoire aux prud’hommes. Alors que seule 3% des plaintes pour discrimination aboutissent, nous nous réjouissons de cette victoire pour Jamila et toutes les femmes !
La directrice artistique, Majorie Nakache, et le directeur du théâtre de Stains, Kamel Ouarti, ont été condamnés à 12 mois de prison avec sursis pour discrimination en l’état de grossesse d’une ancienne comédienne. Les peines sont lourdes à la mesure du calvaire qu’a vécu Jamila. A l’annonce de sa grossesse, Jamila avait en effet été écartée de toute les pièces y compris celles déjà programmées pour être finalement licenciée. Pour rappel, le théâtre avait été condamné en mai dernier par le tribunal des prudhommes pour discrimination fondée sur sa grossesse et harcèlement moral.
Le jugement rendu vendredi est donc une seconde victoire écrasante pour Jamila face ces anciens employeurs qui n’ont eu de cesse de nier tout fait de discrimination. Les deux directeurs ont également l’obligation d’afficher le verdict dans les locaux. Nous nous désolons par contre que les faits de harcèlement moral n’aient pas été retenus comme par la juridiction prud’hommale, les juges estimant que la discrimination inclue le harcèlement de fait. Si les juges ont été au-delà de la réquisition du procureur de 6 mois de prison avec sursis pour Marjorie Nakache, la mettant ainsi à la même hauteur de responsabilité que Kamel Ouarti, nous déplorons également que l’interdiction requise de gérer des ressources humaines durant deux ans pour ce dernier n’ait pas été retenue.
Si Sud Culture se réjouit que la direction du théâtre de Stains ait été condamnée pour des faits aussi graves, nous ne cachons pas notre déception que notre constitution de partie civile ait été déclarée irrecevable. Les juges ont réduit cette affaire à une situation individuelle alors qu’elle est symptomatique de pratiques répandues dans le milieu du spectacle vivant. Lors de l’audience, un témoin de la défense, et non des moindres puisque co-fondateur du théâtre de Stains, a parfaitement assumé que les comédien-nes étaient des instruments entre les mains de leurs employeurs, jusqu’à s’arroger un droit de contrôle sur leur vie privée. L’action syndicale a donc toute sa place dans la lutte contre les discriminations au travail en défense des travailleurs et travailleurs qui font vivre ce secteur. Et nous continuerons sans relâche d’accompagner les salarié.es qui en seraient victimes. SUD Culture a par conséquent décidé d’interjeter appel au volet civil du jugement en correctionnel.
Nous ne pouvons qu’espérer que ce verdict soit un avertissement sérieux à l’encontre de tous les patrons du spectacle vivant qui trop souvent s’affranchissent du droit du travail et se permettent de se comporter comme des potentats, au prétexte de « passion » ou de « vocation » qui autorise tous les abus. Il faut d’ailleurs souligner le courage de Jamila d’avoir osé porter l’affaire en justice quand on sait que cela conduit très souvent à être banni.e de ce microcosme, une double peine pour celles et ceux qui, ayant déjà subi une violence managériale, se retrouvent mis-es à l’écart par les professionnel-les du secteur par crainte de déplaire à leurs homologues qui y occupent des positions dominantes. Cette menace insidieuse conduit trop souvent les victimes à se taire, nous les soutiendrons pour qu’elles puissent faire entendre leur voix !
Nous apprenons en achevant ce communiqué que Kamel Ouarti et Marjorie Nakache ont fait appel du jugement en correctionnel comme le théâtre l’a fait du jugement aux prudhommes. Cette décision infirme leur prise de conscience à demi-mots d’avoir « dérapé » et leur promesse de s’amender proclamée durant l’audience, par espoir de clémence des juges. Les juges n’ont pas été dupes, nous ne l’avons jamais été.
Suite aux appels de la direction du théâtre, la lutte continue !
Nous le répétons : le spectacle vivant ne doit pas être une zone de non-droit du travail !