La Loi est promulguée
Le Conseil constitutionnel ayant validé (23 janvier) la quasi-totalité des dispositions du texte, la loi MAPAM a été promulguée ce 27 janvier. Ainsi, le gouvernement transférera des blocs de compétences « exclusives » aux conseils régionaux (orientation-apprentissage, formation professionnelle, développement économique, innovation et recherche, transport hors réseau urbain). En matière culturelle, la loi prévoit des délégations de compétences à toute collectivité territoriale qui en fera la demande.
Dans une précédente expression, la coordination SUD-DRAC a expliqué les dangers que représentait cette possibilité sur l’avenir des politiques culturelles et des DRAC. Organisations professionnelles du secteur du spectacle, associations de conseillers sectoriels et agents des DRAC [[A ce jour, dans le cadre d’intersyndicales, se sont exprimées les DRAC Basse-Normandie, Bourgogne, Bretagne, Centre, Franche-Comté, Haute-Normandie, Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Limousin, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays-de-Loire, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes. La DRAC PACA le fera le 4 février, la DRAC Picardie le fera le 10 février (après le CTM) et la DRAC de Bretagne réunira une nouvelle AG dans la semaine du 10 au 14.]] ont exprimé leur inquiétude en se réunissant en assemblées générales et en rédigeant communiqués de presse, motions, pétitions ou lettres ouvertes adressées à Aurélie Filippetti, Jean-Marc Ayrault ou François Hollande.
Tous dénoncent le péril qui pèse sur le réseau des DRAC avec, à plus ou moins long terme, la disparition pure et simple de pans entiers de leurs missions. C’est l’existence même des DRAC, puis du Ministère de la culture qui est en jeu. Sans politique culturelle nationale, c’en sera fini de l’équité territoriale qui s’efforce de garantir à toutes et tous un égal d’accès à la culture. C’est la porte grande ouverte à une politique culturelle à la carte, au seul profit de replis identitaires ou d’intérêts partisans et clientélistes.
On nous rassure à tout va !
Karine Gloanec-Maurin, présidente de la Commission Culture de l’Association des Régions de France a écrit le 20 décembre aux acteurs du monde de la culture, afin « de dissiper les inquiétudes qui ont pu se manifester », rappelant que la ministre de la Culture et de la Communication s’est toujours opposée aux transferts de compétence et « qu’aucune collectivité ne l’a revendiqué ».
Aurélie Filippetti, à qui il faut bien reconnaître une constance dans ses déclarations, s’est exprimée à plusieurs reprises (CTM du 13 décembre 2013, vœux du 15 janvier 2014, « interview » dans Séquences du 22 janvier) en faveur du maintien de « services déconcentrés disposant de moyens d’action importants et d’une véritable capacité d’initiative en mesure de développer de véritables stratégies territoriales ». Concernant les délégations de compétence auxquels elle ne s’est pas opposée, elle s’est bornée à répéter qu’il ne s’agissait en aucun cas de transferts, mais sans jamais expliciter quelles pourraient être le périmètre de ces délégations, les incidences sur les missions en DRAC et sur le devenir des personnels concernés. Pour « anticiper » les éventuelles demandes, elle a mis en place un groupe de travail rassemblant plusieurs directeurs et directrices régionaux/ales et demandé à l’inspection un rapport précis sur ce que l’État et des collectivités locales font, chacun pour ce qui les concerne, dans un certain nombre de régions. C’est ce qu’on appelle préparer le terrain à des renoncements futurs. Le relevé de conclusions du groupe de travail DRAC / Administration Centrale sur la décentralisation (5 décembre 2013) est parfaitement clair : « le rôle des services de l’État sera aussi de calmer le jeu et de contribuer à dégager des voies non seulement consensuelles mais viables, sans oublier le dialogue avec les « professionnels » ; « quels sont les services que l’État serait le seul à offrir, quelle est sa légitimité propre ou le rôle qui lui serait spécifique ? », « articuler cette réflexion avec des mesures de réorganisation des services qu’elles induiront » ; « la région est-elle encore la seule et la bonne échelle de territoire pour les Drac ? Comment prendre en compte les inter régions ou l’Europe? ».
François Hollande, lui-même, s’est voulu rassurant dans un courrier adressé le 13 janvier à Claire Guillemain, déléguée générale du Syndicat Professionnel des producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs Indépendants de Musique : « Il n’est envisagé ni de supprimer les DRAC ni de restreindre le rôle de pilotage et d’impulsion de l’administration centrale du ministère. La dimension essentielle de la politique culturelle visant à favoriser l’égalité des territoires et à garantir partout la liberté de création et la diffusion, reste au cœur des missions de l’État ».
Nous ne devons pas être dupes de cette calinothérapie. Quels que soient les engagements de la ministre, nous savons que ce n’est pas à son niveau que cela se joue. D’ailleurs sera-t-elle encore là après les municipales. Deux Comités Techniques Ministériels (7 février et 11 mars) seront consacrés aux DRAC. Vu la forte attente des agents des DRAC qui ont exprimé leurs préoccupations ces dernières semaines, nous estimons regrettable que la ministre n’ait pu adapter son agenda pour être présente dès le 7 février et qu’elle ait reporté la discussion autour de la loi MAPAM à celui du 11 mars.
Quant aux déclarations de François Hollande, nous savons ce qu’elles valent. N’est-ce pas lui qui, candidat à l’élection présidentielle, avait juré de « sanctuariser » le budget de la culture. Sitôt élu, anticipant son tournant libéral, il avait renié sa promesse et baissé le budget comme jamais.
Pour sa part, Jean-Marc Ayrault, pour qui la culture semble le cadet de ses soucis, ne s’est jamais exprimé sur le sujet. La loi MAPAM a peine promulguée, il remet en question la clause de compétence générale des régions et départements [[Supprimée par Sarkozy en 2010, cette clause a été rétablie … sur proposition du gouvernement Ayrault. Comprenne qui pourra !]] qui ne serait conservée que pour l’État et les communes. C’était pourtant bien là le seul motif de satisfaction du milieu culturel puisque la réaffirmation du maintien de cette clause permet le maintien des financements croisés. Que ceux qui voient à travers le brouillard nous montrent le chemin!!! Alors que les agents de la DRAC Bretagne lui ont adressé une lettre ouverte, il botte en touche et renvoie sans la moindre réponse le courrier à la Ministre de la Culture.
Les prochaines étapes de la remise en cause des DRAC
C’est d’abord les demandes de délégation qui pourraient surgir ces prochaines semaines. Pour l’instant tout reste obscur. Les Dracs ont été en réunion à Paris les 4 et 5 février. A cette occasion, le « Pacte Bretagne » a peut-être été évoqué. Vous pourrez donc les interroger à leur retour.
D’autre part, le gouvernement présentera son deuxième projet de loi de décentralisation lors du Conseil des ministres du 2 avril. Ce texte sera déposé au Sénat où il devrait être discuté en séance publique mi-mai. Le gouvernement espère une première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale avant l’été, puis une deuxième lecture et un vote définitif à l’automne.
L’objectif est tout tracé : faire disparaître les « doublons » entre l’État et les régions, déterminer qui fait quoi, en finir avec la dispersion des moyens et « faire de vraies économies ». Ce sont donc de nouvelles menaces sur les DRAC qui s’annoncent.
Ce projet de loi devrait également encourager la « fusion volontaire » de certaines régions. En tout état de cause, des fusions « autoritaires » ne pourraient intervenir avant les régionales de 2015, puisqu’un an avant une élection, il n’est pas possible de modifier la nature du scrutin. Au final, le chiffre d’une « quinzaine » de régions est évoquée. La réduction du nombre de régions pourra entraîner soit des fusions, soit des découpes en en rattachant une partie à une région et une autre à une autre région. La aussi, nous nous interrogeons sur l’avenir des DRAC qui seraient concernées.
Continuer à se mobiliser !
Malgré le flou dans lequel nous nous trouvons, il est indispensable que les agents des DRAC qui ne se sont pas encore exprimés se fassent entendre et exigent de leur hiérarchie et des élus de leurs collectivités locales des réponses transparentes sur ce qui se trame en coulisses. Nous demandons à Aurélie Filippetti d’expliciter enfin les compétences qui pourront être délégués et les implications concrètes sur les crédits et les personnels concernés.
Il est tout aussi indispensable que la ministre fasse un véritable bilan partagé avec les organisations syndicales de trente ans de décentralisation culturelle, s’interroge sur le bénéfice qu’on pu en retirer les usagers et évalue s’il y a eu de réelles économies.
Ces lendemains qui risquent de déchanter ne doivent pas lui faire oublier le quotidien d’aujourd’hui : budgets et effectifs en berne, difficultés d’intégration des STAP, « préfectoralisation accrue » des DRAC désormais soumis au bon vouloir du moindre SGAR adjoint, désenchantement de plus en plus marqué, conditions de travail déplorables, systèmes informatiques obsolètes, ……
Coordination SUD Culture-DRAC, le 6 février 2014