Commentaire de l’éditorial du journal Le Monde du 18 novembre 2007 à propos du mouvement de grève

Haro sur les médias !


C’est le titre de l’édito du journal Le Monde daté du 18 novembre 2007. Vous trouverez ci-après la reproduction intégrale de ce texte, avec les commentaires de SUD Culture Solidaires.

« Dans le conflit social provoqué par la volonté du gouvernement de réformer les régimes spéciaux de retraite, la bataille de l’opinion publique est décisive. Chacun se souvient qu’en décembre 1995, malgré les effets de la paralysie de la SNCF et des transports parisiens, les Français avaient sympathisé, dans leur majorité, avec les grévistes. Il n’en va pas de même aujourd’hui, si l’on en croit les sondages.

Commentaire SUD: Selon les sondages, il était sûr que Chirac n’allait pas devenir président en 1995 et les Français allaient adopter haut la main le référendum sur le Traité européen en 2005. Un sondage n’a jamais rien prouvé. Tout dépend de la manière dont on pose la question. Demandons si vous pensez normal de travailler plus pour gagner moins. 99% de Non ! Donc 99% de gens contre la contre-réforme des retraites de Sarkozy.

A la différence de ce qui s’était passé il y a douze ans, le président de la République qui vient d’être élu et la majorité parlementaire qui le soutient ont présenté aux électeurs des engagements prévoyant explicitement cette réforme. Non seulement elle n’a pas été occultée pendant la campagne, mais elle a au contraire été mise en avant comme l’une des mesures symboliques du programme économique et social proposé par le candidat et par son parti. Les citoyens, qui n’ont pas changé d’avis en six mois, approuvent donc, dans leur majorité, l’alignement de la durée de cotisation des agents des entreprises publiques sur celle des fonctionnaires et des salariés du privé.

SUD : Non. La démocratie, ce n’est pas un chèque en blanc. La démocratie, ce n’est pas tout est à prendre ou à laisser. Sur les retraites, il n’y a pas eu de débat, mais une stratégie de division des travailleurs, commencée en 1993 avec le passage du Privé de 37,5 annuités à 40, et un véritable passage en force. Le tout accompagné d’un matraquage systématique de l’opinion par des médias sous l’emprise du Medef et de forces politiques gagnées par la pensée unique libérale.

La tâche des médias n’en est pas facilitée. Informer sur les faits ne pose que des problèmes techniques : il faut confronter les sources, vérifier les chiffres, fournir les indications les plus récentes et les plus
complètes possible.

SUD : Non. Informer sur les faits ne pose pas que des problèmes techniques : il faut d’abord savoir qui contrôle les médias et quels intérêts il défend. Coincés entre leur propriétaire, leur rédacteur en chef et leurs conditions de travail qui se dégradent – voire leur précarité -, la plupart des journalistes n’ont guère l’autonomie qu’ils souhaiteraient pour pouvoir informer librement. Mais ce constat ne doit pas disculper ceux qui confondent leur travail de journaliste avec celui de communicants du gouvernement et du Medef.

En revanche, donner à tous ceux qui sont concernés des possibilités égales d’exposer leurs arguments est délicat. C’est le cas type d’une situation où les journalistes ne font que des mécontents. Les usagers, qui subissent la grève, ont le sentiment que ce n’est ni assez dit ni assez montré. Les grévistes estiment que leurs revendications sont récusées d’avance et que leurs raisons de s’opposer à la réforme ne sont pas
prises en considération de façon équitable.

SUD : Le rôle premier des médias n’est pas d’arbitrer des conflits. Il est de donner les informations et les points de vue permettant de comprendre les enjeux. L’opposition grévistes-usagers n’a rien à voir avec le débat de fond sur les retraites. L’éditorialiste du Monde peut-il
envisager qu’il y ait parmi « les usagers, qui subissent la grève », des travailleurs solidaires des grévistes ?

Dans un climat de suspicion générale vis-à-vis de médias omniprésents, la tentation est de les soupçonner de parti pris. L’opinion étant majoritairement hostile à la grève, ce sont les grévistes qui se sentent
victimes de la partialité supposée des organes d’information.

SUD : Ce qui, au début du commentaire, était une hypothèse basée sur des sondages est devenu un fait avéré et immuable : l’opinion est « majoritairement hostile à la grève ». N’est-ce pas du parti pris ?

Le même sentiment, poussé jusqu’à la diabolisation, est exprimé par les étudiants qui réclament l’abrogation de la loi sur l’autonomie des universités, votée cet été, et qui militent pour le blocage des
établissements.

SUD : Le CPE et le CNE aussi étaient déjà votés. On sait ce qu’il en est advenu.

Encouragés par des sites Internet qui usent et abusent de la dénonciation des journalistes, les uns et les autres rendent les médias responsables de leur propre incapacité à convaincre l’opinion.

SUD : Donnez-nous les mêmes moyens médiatiques et le même temps de parole et on verra de quel côté penchera l’opinion.

Des cas d’agressions verbales ont été constatés. Des reporters ont été désignés à la vindicte ou empêchés de faire leur travail.

SUD : Le développement d’un sentiment de rejet, voire agressif, envers les médias dominants est le résultat de la campagne de dénigrement dont sont victimes les mouvements sociaux et dont ce
commentaire est un exemple subtil et parfait. Nous nous opposons à tout acte violent envers des reporters. Cependant, tant que les PDG n’accepteront pas la présence de reporters lors des réunions de leur Conseil d’administration, le mouvement social doit avoir ce même droit et pouvoir décider que la présence de journalistes n’est pas toujours souhaitée, par exemple dans les Assemblées générales. Et il doit avoir le droit de mettre en question le travail de journalistes qui se croient au-dessus de la mêlée, en oubliant qu’ils sont – eux aussi – des travailleurs.

De même que les régimes politiques qui contrôlent l’information, les mouvements qui font pression sur les médias ou qui tentent de les intimider ne servent pas leur cause. Au contraire, ils l’affaiblissent. »

Conclusion SUD : les grévistes veulent la dictature. Car, paraît-il, chez nous, les médias sont libres, et personne sain de corps et d’esprit ne saurait affirmer que dans notre beau pays le gouvernement contrôle économiquement et politiquement les médias d’information.

SUD Culture Solidaires, 23 novembre 2007

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