La réforme de l’Etat, dénommée Révision Générale des Politiques Publiques, que développe l’actuel gouvernement est en opposition stricte avec un service public répondant aux besoins de tous, sur l’ensemble du territoire. Restructurations des administrations centrales et déconcentrées, refonte des cartes judiciaire et militaire, fusions des services, délocalisations, suppressions d’emplois, détérioration des conditions de travail, blocage des carrières, budgets publics en baisse, développement des financements privés, externalisation, mise en concurrence et absence de dialogue social, voire brutalité en tout genre, sont le quotidien des personnels de la Fonction Publique.
L’archéologie préventive connaît les mêmes difficultés et les semaines qui viennent vont être déterminantes pour son devenir : nouvel arbitrage interministériel sur la filiale, vote du budget primitif 2009 de l’Inrap, délocalisation du siège. L’intersyndicale, devant la dangerosité des annonces, propose d’agir plutôt que de subir.
Des manques de moyens et l’infernale logique du plafond d’emploi
Faute d’effectifs en nombre suffisant, en butte à des pressions constantes pour qu’ils réduisent leur volume de prescription, les agents des services régionaux de l’archéologie ont de plus en plus de mal à assurer leurs missions qui pourraient être remises en cause dans le cadre de la RGPP.
L’Inrap est un établissement public national opérateur qui doit honorer les prescriptions des services régionaux de l’archéologie et mettre les moyens en œuvre, dans un calendrier établi avec les aménageurs. L’Inrap participe à la chaîne opératoire de l’aménagement du territoire. Sous peine de discréditer le service public de l’archéologie préventive, il est impératif que les effectifs de l’Inrap, qui dépendent du ministère des Finances, soient à la hauteur des besoins. La position dogmatique de Bercy est d’autant plus inacceptable qu’il est possible pour des besoins financés – et c’est le cas pour les fouilles – d’attribuer une allocation de moyens supplémentaires pour répondre à la demande.
Ainsi, l’INRAP devra diagnostiquer 2450 hectares sur l’emprise du Canal Seine Nord dont 1800 pour la seule année 2009. Les premières fouilles vont commencer en juin 2009 pour une libération des terrains en septembre 2011. Si des moyens supplémentaires ne sont pas accordés à l’Inrap (entre 200 à 250 ETP/an seront nécessaires pour les fouilles), les opérations archéologiques du Canal vont vampiriser les moyens alloués aux autres régions. La conséquence directe et brutale sera le grand déplacement massif des personnels sur le Canal et la mainmise de la concurrence sur les opérations de fouilles dans les régions où les personnels auront été temporairement déplacés. Les personnels de certaines régions connaissent déjà une telle situation.
Alors que le nombre de prescriptions de fouilles a progressé de 7% entre 2004 et 2006, la part des opérations préventives réalisée par l’Inrap est inférieure à 60 % des prescriptions émises. Faute de moyens, l’Inrap ne peut répondre aux appels d’offre. A terme, les personnels, CDI comme CDD, serviront de variable d’ajustement et seront « baladés » dans les régions au gré de l’activité concurrentielle.
C’est de ce manque de moyens que partent les principales difficultés rencontrées. Les délais de réalisations des opérations archéologiques s’allongent pour les diagnostics comme pour les fouilles. Cette situation récurrente entraîne la colère des aménageurs et des élus locaux avec pour conséquence un nouvel amendement voté en première lecture au Sénat. Celui-ci vise à rendre caduque la prescription de fouille si l’opération n’a pas débuté dans les six mois…Rien que ça !
Les insuffisances de la Redevance d’Archéologie Préventive (RAP)
Le sous-effectif chronique dans les DRAC et les DDE entraîne une application minimaliste et inéquitable, donc litigieuse, de la loi. Cela induit un rendement de la RAP largement en deçà de ce qu’il devrait être. La redevance est pourtant un préalable indispensable à la détection, à l’étude, voire à la sauvegarde du patrimoine archéologique. Elle permet également d’abonder le Fond National d’Archéologie Préventive en ressources nécessaires à son fonctionnement. Le ministère lui-même, reconnaît que, depuis 2004, il doit régulièrement compenser les insuffisances du rendement de la RAP, censée financer les diagnostics. L’assiette fiscale de la RAP doit être élargie, en commençant par la suppression des exonérations qui sont extrêmement préjudiciables à l’ensemble du dispositif de l’archéologie préventive.
11 juin 2008 : RGPP et archéologie
Le 11 juin 2008, le Conseil de Modernisation des Politiques Publiques annonçait toute une volée de mesures visant à rendre l’archéologie préventive plus « performante ». DRAC et INRAP sont sommés de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux.
De plus, il est demandé aux DRAC « d’améliorer le rendement de la redevance et de démultiplier l’offre concurrentielle de fouille » (sic). Sans moyens supplémentaires, la première injonction restera lettre morte. Quant à la seconde, elle est imposée au mépris des missions patrimoniales et scientifiques des SRA. La « réforme » de l’administration territoriale est élaborée dans la plus grande opacité et dans l’absence de réel dialogue social, tant avec les personnels concernés qu’avec les usagers. Tout ceci n’est pas le signe d’une exigence de qualité et d’efficience pour le service public.
Un objectif : casser l’établissement en filialisant les fouilles et délocalisant le siège de l’Inrap
Bien que Christine Albanel se soit prononcée contre la filiale, un nouvel arbitrage interministériel doit être rendu dans les prochaines semaines sur la filialisation des fouilles de l’Inrap. Les technocrates de Bercy veulent porter un coup fatal à l’ensemble du dispositif de l’archéologie préventive en déstructurant l’Inrap. Comme si cela ne suffisait pas, la brutalité de l’annonce de la délocalisation du siège de l’établissement à Reims, à l’horizon 2011, continue de marquer l’empreinte de la RGPP sur l’archéologie préventive et l’Institut. Le mépris vis à vis des personnels, la méconnaissance totale des problématiques et des procédures relatives à l’archéologie préventive ainsi que le refus de mesurer l’impact d’une telle mesure par la ministre exigent une riposte forte.
Mobilisation : deux dates essentielles
Délocalisables de toute la France : unissons-nous le 15 novembre
Les intersyndicales des établissements et services délocalisables de l’Etat ont décidé d’un rassemblement national à Paris et en régions le 15 novembre. Ils comptent ainsi informer les médias et nos concitoyens des conséquences de ces « mesures de compensation » de la refonte de la carte militaire qui n’ont d’autres objectifs que de déstabiliser des services publics dont l’Inrap. Ce projet aura également des conséquences sociales lourdes pour le personnel. Comment le gouvernement peut-il penser revitaliser des territoires en déconstruisant le service public de l’archéologie, lui-même au service de ces territoires ?
Proposition intersyndicale archéo : une manifestation nationale le 25 novembre à Paris
Le prochain vote du budget de l’Inrap doit nous alerter sur les procédés utilisés. L’an passé, l’annonce de la création d’une structure ad hoc pour les fouilles du Canal Seine Nord est tombé quelques heures avant le conseil d’administration. En mars 2008, le repyramidage, engagement de R. Donnedieu de Vabres, a été abandonné alors que 300 000€ avaient été provisionnés dans le budget de l’Inrap. Qu’ont-ils prévu pour 2009 ?
Pour toutes ces raisons, l’intersyndicale appelle à une manifestation massive à Paris le 25 novembre pour :
- exiger des emplois contre le sous effectif dans les SRA comme à l’Inrap,
- pour l’amélioration des conditions de travail et des carrières,
- pour réduire les délais d’attente des opérations archéologiques,
- pour garantir un financement pérenne des missions,
- pour un établissement public national dont le rôle central dans le dispositif législatif est affirmé et reconnu, avec son siège à Paris.
L’intersyndicale dépose un préavis national de grève reconductible
pour le 25 novembre 2008.
A l’issue de cette manifestation, les Assemblées Générales décideront de la suite à donner à cette action.
Contre la logique dogmatique du gouvernement, pour la défense du service public de l’archéologie préventive. Seule une mobilisation nationale d’envergure les fera reculer.
Paris, le 5 novembre 2008