Communiqué SUD Culture Solidaires
SUD Culture Solidaires a suivi avec attention les annonces du Président de la République faites ce jour, en bonne entente avec la direction du plus grand musée du monde.
Perplexité sur le budget annoncé
Le budget nécessaire à la mise en œuvre des projets de la présidente du Louvre s’élèverait à 700 millions d’euros selon les premières estimations publiques. Pourtant, toutes nos sources internes indiquent que la direction chiffre en réalité ses projets à 1 milliard. Comment expliquer cet écart ? S’agit-il d’une stratégie consistant à engager au plus vite suffisamment de fonds (au prétexte des travaux indispensables) pour dans un second temps contraindre l’état à rallonger l’enveloppe ? Les grandes manœuvres auxquelles nous assistons ne peuvent que nous interroger, tant les discours publics et les informations internes sont contradictoires.
De l’usage réel des deniers publics
Comment confier à une direction ce qu’elle n’a pas su faire ces dernières années : mettre en œuvre des schémas directeurs techniques déjà votés et donc budgétés ? En lieu et place, elle a préféré financer la création d’un nouveau département, la préfiguration dispendieuse d’une nouvelle entrée et des opérations événementielles contestables.
Lancer un appel aux dons alors qu’on a fait le choix de dépenser des dizaines de millions d’euros en activités facultatives sans lien avec ses missions fondamentales de préservation, connaissance des collections et transmission des savoirs est, au mieux, inconséquent.
Aujourd’hui il faut non seulement financer les travaux indispensables qui n’ont pas été mis en œuvre ces dernières années, mais en plus trouver des crédits supplémentaires pour réparer en urgence ce qui n’aurait demandé que de l’entretien si le palais avait été géré correctement.
Le recours aux ressources propres
Le Président annonce que tout sera fait aux frais du Louvre. À défaut d’être mensongère, cette annonce est largement erronée. Le Grand projet sera réalisé en faisant les poches des visiteurs, puisque le billet d’entrée vient déjà d’augmenter à hauteur de 22€ et que le discours présidentiel laisse augurer de nouvelles hausses à venir. Le public extra-européen quant à lui est considéré comme une vache à lait,alors qu’il participe déjà à l’impôt via la TVA.Le Louvre était pensé comme ouvert à toutes et tous. Aujourd’hui l’émancipation par le porte monnaie est-il le nouvel humanisme porté par la France ?
En outre, alors que c’est déjà la tendance actuelle, il y a fort à parier que la privatisation d’espaces s’accroisse dramatiquement. Ce qui veut dire que le public « normal » ne pourra plus accéder à de nombreuses salles parce qu’elles seront louées. Il s’agit purement et simplement de la confiscation du bien public par des intérêts privés. Ce qui contrevient au sens même de la création du Musée du Louvre, lorsque la Révolution Française a repris à la monarchie les collections royales pour les rendre universelles.
Enfin, l’argent magique du recours aux financements privés est un leurre puisqu’il n’y a jamais (ou presque) de don sans contre-partie. Il devient alors très difficile à l’état de garantir la neutralité de sa politique culturelle et scientifique.
Vrai/faux recours aux financements privés
Pour rappel, le recours aux « mécènes » n’est pas neutre pour les comptes publics. La défiscalisation (entre 40 et 60%) des sommes hypothétiquement versées empêche l’état de définir sa politique budgétaire. En l’espèce c’est entre 400 et 600 millions d’euros qui n’entreraient pas dans les caisses. Nous ne pouvons croire que le ministre de l’économie, quand bien même il soit membre depuis 2023 du Conseil d’administration du Louvre, puisse cautionner une telle perte pour les finances de l’état.
Les coûts cachés des grands travaux
Alors que le département des Antiquités Egyptiennes fêtera son bicentenaire en 2027, il sera la première victime de la création d’une entrée supplémentaire telle que rêvée par la direction et le Président. En effet, les collections sont exposées dans la partie visée par le grand chambardement, et sont vouées à voir le département créé par Champollion réduit d’un tiers, ou enfoui en zone inondable, ou les deux. Le coût culturel d’une entrée sur la colonnade est donc faramineux et frappe de plein fouet des espaces parmi les plus populaires.
Plus matériel celui-ci, le coût à prévoir pour les voisins du Louvre. A titre d’exemple, le sous-sol est en prise directe avec une ligne de métro. D’où viendront les millions d’euros nécessaires à la RATP pour satisfaire les aspirations présidentielles ? La régie parisienne est-elle informée qu’elle devra prendre en charge financièrement les conséquences du Grand projet sur ses installations ?
Un projet faramineux au service de quelques uns
Le Président l’a dit : ce projet se fait « avec la complicité de la maire de Paris ». La visée est de prévoir un nouvel espace entre la Samaritaine de Bernard Arnault, la Bourse du commerce de François Pinault et la Fondation Cartier. Si la Ville de Paris souhaite améliorer l’expérience visiteurs des quelques nantis qui circulent entre ces espaces, libre à elle. Il est néanmoins étrange de voir une maire socialiste de Paris céder aux intérêts commerciaux et idéologiques de quelques grandes fortunes françaises.
Toutefois, via le budget du ministère de la Culture (déjà 10 millions en 2025 selon Emmanuel Macron) et l’argent des « donateurs » qui n’entrera pas dans les caisses de l’état, c’est bien l’ensemble des contribuables de tout le territoire qui financera le mieux être de quelques privilégiés bénéficiaires des aménagements.
Appel à la responsabilité
Alors que, les « petites » structures culturelles de proximité du patrimoine comme du spectacle et de la création sont mises péril par le recul des financements publics et n’intéressent guère les mécènes fortunés,
Alors que, faute de moyens, les drames se multiplient au sein de l’hôpital public, et que l’Education nationale n’offre plus à chaque élève des conditions d’enseignement dignes et de qualité, débloquer 1 milliard d’euros pour un grand projet non urgent paraît au mieux déraisonnable.
Dans le contexte actuel de déficit majeur des comptes publics, les deniers devraient être attribués aux urgences et non aux projets d’apparat.
C’est pourquoi SUD Culture appelle, en responsabilité, à ce que les moyens dont le Louvre dispose soient dédiés à ses missions fondamentales : préserver et transmettre.
A ce titre nous réitérons nos attentes :
• l’arrêt des grands projets (notamment la création d’une nouvelle entrée) qui relèvent de l’aberration dans le contexte actuel de déficit majeur des finances publiques ;
• une planification de l’ensemble des travaux nécessaires et la construction d’un budget dédié ;
• la réaffectation des crédits attribués à l’établissement à un plan urgence-travaux de sauvegarde (canalisations, toitures, électricité, chauffage, sanitaires…) ;
• un contrôle budgétaire renforcé ;
• la garantie d’un contrôle rigoureux par le ministère de la Culture de la mise en œuvre de ce plan d’urgence-travaux.
Paris, le 28 janvier 2025