SUD CULTURE 13 Librairie et CGT Gibert Joseph
Depuis plusieurs semaines la librairie est au cœur de l’actualité. Nous assistons à un front quasi unanime pour la réouverture des librairies regroupant Amazon (!), la grande distribution, les syndicats patronaux du secteur du livre (SLF et SNE) ainsi que certains ministres. Les petites mains qui font tourner ces fameuses librairies sont, elles, inaudibles.
Pour cause, bon nombre de ces salarié·e·s payé·e·s des clopinettes s’épuisent à faire du « click & collect » et attendent avec inquiétude de connaître dans quelles conditions vont rouvrir les magasins où ils·elles travaillent.
L’intense communication sur le « click & collect » fait craindre la progressive transformation des librairies en Amazon de proximité. Le métier se transforme malgré lui. Qui donc a intérêt à encourager la dématérialisation tout en élargissant les horaires d’ouverture ? Certainement pas les salarié·e·s. Pourquoi, tant qu’on n’y est, ne pas mettre en place des équipes de nuit pour préparer les commandes (si possible avec la possibilité de choisir le motif de l’emballage cadeau…) ?
Pour nos dirigeants, le critère de nécessité évoqué en permanence ne renvoie qu’à des activités générant du profit, mais la librairie étant le commerce qui a les marges les plus faibles, c’est compliqué ! D’ailleurs certains groupes dont Gibert ont, à la faveur du premier confinement fermé brutalement des librairies « non-rentables », d’autres se restructurent ou préparent des fusions partielles (Editis-Hachette). Nul doute qu’il en sera de même à la suite du deuxième confinement. Les menaces qui pèsent sur Gibert Jeune n’étant qu’un exemple.
Dans ce contexte, la dernière trouvaille du syndicat des patrons de librairie détonne : le SLF dans sa newsletter du 17 novembre 2020 annonce un partenariat entre Korian et le portail librairiesindependantes.com (une émanation du SLF). Il fallait oser faire de la pub pour le groupe Korian en pleine crise sanitaire qui touche particulièrement les personnes vivant en Ehpad. Korian s’est en effet illustré à maintes reprises ses dernières années par sa capacité à engraisser ses actionnaires sur le dos des personnes âgées qui vivent dans ses Ehpad, ses cliniques spécialisées et ses résidences service.
Ces dernières années, Korian a versé des millions d’euros de dividendes à ses actionnaires. À l’exception toutefois de 2020 où, probablement pris de remords, le groupe a renoncé. Pour exemple, en 2019, ces derniers ont reçu en tout 50 millions d’euros tandis que la directrice générale voyait ses revenus annuels atteindre un million d’euros.
Dans le même temps, des patients meurent d’intoxication alimentaire, des salarié·e·s font l’objet de procédures disciplinaires ou de licenciements pour avoir témoigné de leurs conditions de travail et des mauvais traitements que subissent certain·e·s usager·e·s. Dans la droite ligne de la politique catastrophique de santé publique du gouvernement, Korian rogne sur les effectifs, sur les moyens de protection, de dépistage au sein des établissements qu’il gère. Officiellement tout va bien, pourtant les plaintes pour des faits d’homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui et non-assistance à personne en danger se multiplient.
Une chose est bien commune aux librairies et aux Ehpad de Korian : la non-reconnaissance des statuts. De la même façon que nombre de libraires « niveau 2 » font un travail de gestionnaire, nombre d’agents de propreté font à Korian le travail d’aide-soignant·e, d’infirmier·e.
Nos organisations demandent donc que soit mis fin sans délai à ce partenariat qui déshonore notre profession.
Marseille & Paris, 19 novembre 2020