Mission Bélaval : la contribution des Dracs

Le 27 juillet,  l’Association Nationale des Dracs a envoyé sa contribution à la mission  Bélaval. Même si toutes et tous n’ont pas participé à sa rédaction, ces réflexions et propositions  sont censées représenter le point de vue des directions et d’elles seules.

Si nous sommes en accord avec un certain nombre de constats ou de vœux (réaffirmation  de l’importance d’une chaîne du patrimoine solide et cohérente au sein des services de l’État, nécessité d’un lien fort avec la DGPat, demande d’un bilan des transferts de MH aux collectivités que nous n’avons de cesse de réclamer, possibilité de ne pas avoir une approche uniforme des territoires,…), d’autres propositions nécessitent par contre d’être débattues. Nous en prendrons quelques exemples.

Assistance à Maîtrise d’Ouvrage

Nous pouvons nous interroger sur le souhait de la voir renforcée1, alors que dans nombre de régions, il y a longtemps que, faute de moyens humains, la plupart des agent-es des CRMH ont en fait leur deuil car l’AMO est énormément chronophage. Même si les pratiques varient d’ une région à l’autre. La DRAC Bretagne est semble-t-il la seule où l’AMO est autant développée. Dans l’ancienne région Limousin, désormais fusionnée dans la Nouvelle-Aquitaine, la CRMH a toujours fait de l’AMO, sur classés et sur inscrits, mais uniquement suite à une demande motivée des propriétaires publics2. Le caractère rural des départements y est pour beaucoup3.  Au final, une AMO bien accordée est souvent un facteur déterminant dans le lancement d’une opération complexe ou lourde. Menée pour le compte d’une collectivité qui n’en a pas les moyens une AMO est certes chronophage mais, liée au CST, c’est un gage de fluidité et de qualité. En Hauts-de-France, les collègues continuent à faire de l’AMO, mais au détriment d’autres missions. Dans l’ex Haute-Normandie, la DRAC a fait le choix, depuis 2009, de ne pas faire d’AMO, l’objectif étant de mettre les élus et politiques devant les responsabilités qui sont les leurs depuis 2004 (restitution de la Maîtrise d’ouvrage au propriétaire). L’affirmation de l’association des DRAC sur l’AMO privée est à nuancer. Au départ, les communes et propriétaires privés ont eu du mal à mener à bien leur projet comme maître d’ouvrage. Aujourd’hui, avec, pour certaines régions, l’émergence d’AMO privée et la création de communautés de communes disposant de services techniques et juridiques renforcés, les propriétaires sont de moins en moins confrontés à cette problématique du « comment faire de la maîtrise d’ouvrage ».

Contrôle Scientifique et Technique

Cete mission, aujourd’hui indispensable à la réalisation des projets de restauration MH, est la  grande oubliée de cette contribution. Son émergence a pourtant permis de voir les collectivités et propriétaires privés souhaiter de plus en plus que le rôle de l’État en matière de restauration du patrimoine soit reconnu. Nombre d’entre eux sont en effet très demandeurs de l’expertise du service en amont comme en aval de l’autorisation de services. Il permet également un travail beaucoup plus approfondi en lien étroit avec les CRMH/UDAP/SRA et Inspection. Il nous apparaît indispensable qu’il soit mis en œuvre complètement dans chaque DRAC. Le décret CST (actuellement codifié) est particulièrement bien pensé pour permettre aux services de la DRAC d’effectuer leurs missions sur le patrimoine4. Sa mise en œuvre sous-entend un changement de positionnement des agents et des services en tant que conseillers, initiateurs voire promoteurs, tant d’un point de vue technique, scientifique que patrimonial.

Rôle des ACMH

Le paragraphe sur le rôle des ACMH est curieux. Ceux-ci n’interviennent plus que sur les MH État gérés par le MC (sous MO DRAC). A part les cathédrales et quelques châteaux, ils ne sont plus les rouages indispensables à la politique MH. Et rien à voir avec le manque de fluidité dans les réponses et délais.

Note relative à la dimension de l’Architecture dans les DRAC

Celle-ci aurait pu développer plus amplement les conséquences néfastes du projet de loi ELAN (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) qui doit revenir au Parlement mi-septembre et nous ramènera des décennies en arrière. Ce projet a été essentiellement porté par le ministère de la Cohésion des territoires, nul au gouvernement n’ayant demandé son avis à Françoise Nyssen. Où se cachait-elle durant la contestation de ce projet de loi ? Elle a pourtant mobilisé les acteurs de la société civile, représentants des PME, associations d’usagers et du droit au logement, les fédérations de défense du patrimoine et de l’environnement, les représentants des associations du handicap, les étudiants, futurs professionnels de l’architecture et du paysage. Et même plus récemment, Stéphane Bern !

Dans une optique toujours plus ultra-libérale, cette loi n’a évidemment pas pour ambition de répondre le plus efficacement aux besoins des habitants et des collectivités et de créer le meilleur environnement pour les générations futures. A l’avenir, les acteurs du BTP pourront construire n’importe où (attaques contre la loi littorale, remise en cause du caractère contraignant des avis des Architectes des Bâtiments de France), n’importe comment (suppression de l’obligation de concours d’architecture pour le logement social, détricotage de la loi MOP, recours aux constructions individuelles préfabriquées, réduction généralisée à seulement 10% du total des logements neufs accessibles aux personnes affectées d’un handicap), sans recours (volonté d’étouffer toute contestation par un arsenal de restrictions techniques).

Note relative à l’archéologie au sein des DRAC

La proposition de créer un établissement public régional, alors que le gouvernement veut faire la chasse aux doublons, nous paraît particulièrement exotique. L’association des DRAC souhaite-t’elle un énième désengagement de l’état sur l’archéologie ?

Le rôle de l’état, de ses services déconcentrés comme de son établissement public de recherches, n’a-t’il pas déjà vocation à gérer ou intervenir sur l’ensemble du territoire national ? Faut-il rappeler que les 350 agent-es réparti-es dans les SRA ont, entre autres, pour mission d’organiser, souvent sur des territoires correspondants aux départements, la gestion du patrimoine archéologique. Ils/elles sont les référent-es et le point d’entrée quotidien du contact avec les aménageurs ? Faut-il rappeler que les lois de 2001 et de 2003 ont créé un établissement public de recherches fort aujourd’hui de plus de 2000 agents qui, dans un souci de proximité, a vocation à intervenir en tout point du territoire national ?

Pour SUD Culture Solidaires, il n’y a donc pas lieu de créer un établissement public, fut-il ad-hoc, qui rajouterait une complexité supplémentaire. La plupart des collectivités ne le souhaitent certainement pas et, au nom de leur libre administration, ne se le feront pas imposer. Hormis quelques entités clairsemées sur le territoire, il n’ y pas eu de création massive de services territoriaux d’archéologie. On soulignera que les régions ne se sont justement jamais emparées de cette opportunité pourtant ouverte par la loi de 2003.

Enfin, affirmer qu’un tel établissement ne fera pas d’ombre à l’Inrap, relève de l’imposture. Même s’il y a des complémentarités dans nombre de secteurs géographiques, force est de reconnaître que certains services territoriaux sont déjà en concurrence avec l’Inrap qui se trouve ainsi fragilisé.

Bien malin qui saurait ce que monsieur Bélaval, qui doit rendre prochainement son rapport, retiendra de cette contribution.  Il est cependant regrettable qu’elle n’ait pas fait l’objet, au sein des DRAC de débats avec les agent-es pourtant concernés. Une nouvelle fois, le dialogue social a failli.

Coordination SUD-DRAC, le 11 septembre 2018.

1 Nous pouvons d’ailleurs nous demander si les AMO libéraux n’auront pas la tentation d’attaquer l’état, pour pratiques concurrentielles non-conformes à la législation européenne.
2 En fonction des capacités de l’acheteur public, de la complexité du programme et en l’absence d’offre de service privée (art. R 621-72 du code du patrimoine).
3 Dans la Creuse, 80 % des édifices classés sont propriétés de communes de moins de 200 habitants.
4 Nous pourrions toutefois discuter sur les IMH.