Procès en appel des « 7 de Briançon » : la solidarité et la liberté d’expression menacées
Paris – Briançon, le 26 mai 2021. Demain, jeudi 27 mai 2021, à 14h se tiendra à Grenoble le procès en appel des sept personnes solidaires, dites-les « 7 de Briançon », reconnues coupables en première instance, le 13 décembre 2018, pour « aide à l’entrée et à la circulation sur le territoire national de personnes en situation irrégulière ». Elles encourent, chacune, 10 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Bastien, Benoit, Eleonora, Juan, Lisa, Mathieu et Théo ont été condamné.e.s à des peines allant de 6 mois avec sursis à 12 mois de prison, dont quatre mois fermes, pour avoir participé le 22 avril 2018 à une manifestation. Celle-ci visait à dénoncer une action de Génération Identitaire qui avait, la veille, bloqué le col de l’Échelle (Hautes-Alpes) et à exprimer une résistance face à la militarisation de la frontière, des discours de haine et des violences qui mettent la vie des personnes étrangères en danger.
« En appel, les juges auront à décider s’il était criminel d’exprimer publiquement son soutien aux personnes exilées et de s’opposer aux opérations d’intimidations d’un groupuscule d’extrême droite dissous depuis, ou si cette expression publique était bien légale et légitime ! A la haine, ces militant.e.s ont répondu par la solidarité. Il est inacceptable que pour cela, certain.es aient été condamné.es à de la prison ferme », déclare Agnès Antoine, au nom du Comité de soutien des 3 + 4 de Briançon.
« Les personnes solidaires ne doivent pas être poursuivies ou condamnées pour avoir manifesté leur soutien aux personnes dont les droits sont quotidiennement violés notamment à la frontière franco-italienne. Ces pratiques d’intimidations et de pressions à l’encontre des défenseur.e.s des droits humains sont inadmissibles et mettent en danger l’impératif de fraternité qui est le nôtre », déclare Alexandre Moreau, président de l’Anafé.
Amnesty International France, l’Anafé, La Cimade, Médecins du Monde, Tous Migrants et le Comité de Soutien au 3+4 de Briançon appellent à la relaxe immédiate et définitive de ces défenseur.e.s des droits humains, poursuivi.e.s pour s’être mobilisé.e.s en faveur du respect des droits des personnes exilées à la frontière franco-italienne.
La solidarité n’est pas un délit !
Les lois de la République ne sont pas faîtes pour cibler ou harceler les défenseur.e.s des droits, quels que soient ces droits et ceux en particulier des personnes exilées.
« Aider des personnes exilées n’est pas une infraction. Or, nos associations constatent qu’en France des personnes apportant une aide à celles et ceux qui en ont besoin sont de plus en plus souvent gênées dans leurs actions et parfois même poursuivies pénalement. Elles devraient au contraire être protégées. Elles luttent contre les peurs et toutes les suspicions vis-à-vis des exilé.e.s, contre toutes les idéologies xénophobes qui traversent notre société et pour cela elle doivent en effet être protégées mais aussi remerciées ! », soutient Henry Masson, président de La Cimade.
Nos associations appellent la France à s’engager en faveur de la protection des défenseur.e.s des droits humains et à ne pas criminaliser, par sa législation et sa pratique, l’aide apportée pour le respect des droits des personnes exilées.
Nos organisations s’opposent à la criminalisation des solidaires. Les États doivent s’assurer que ces personnes et organisations soient en mesure de mener leurs activités dans un environnement sûr et propice, à l’abri de la crainte de représailles.
Atteintes à la liberté d’expression et au droit de réunion pacifique
La solidarité avec les personnes exilées peut prendre de nombreuses formes, y compris l’expression d’opinions dans le cadre de manifestations pacifiques. Alors que toute limitation à cette liberté d’expression ne doit être que nécessaire et proportionnée, les autorités françaises n’ont pas établi précisément quels avaient été les risques concrets posés à l’ordre public par la manifestation du 22 avril 2018.
Les manifestant.e.s de la marche de Briançon avaient simplement voulu exprimer leur rejet des pratiques illégales de l’administration à la frontière franco-italienne et des actions xénophobes telles que celles organisées par Génération Identitaire, groupe qui a été dissous en mars dernier en Conseil des ministres, au motif qu’il prônait « une idéologie incitant à la haine et à la violence envers les étrangers et la religion musulmane ».
Se rendre à la frontière était le moyen symbolique pour les « 7 de Briançon » de dénoncer les logiques de militarisation et de contrôles aux frontières, ainsi que les violences qui les accompagnent. Le passage de la frontière franco-italienne d’une personne potentiellement étrangère lors de cette manifestation a servi de prétexte aux autorités pour réprimer la liberté d’expression et le droit à la réunion pacifique de ces militant.es.
« Rappelons que la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits humains, adoptée en 1999, reconnaît à chacun le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de participer à des activités pacifiques contre les violations des droits humains. À travers ces poursuites pénales, prenant pour cible la solidarité et le devoir de fraternité, ce sont les droits à la liberté d’expression et de réunion des manifestants qui sont attaqués », insiste Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France.
Violations des droits humains à la frontière franco-italienne
Les violations des droits des personnes exilées aux frontières, notamment à la frontière franco-italienne, sont nombreuses et quotidiennes, mettant en danger la vie des personnes exilées. Les personnes solidaires font preuve de fraternité en défendant leurs droits.
« Nos associations dénoncent depuis des années les violations des droits humains commises à la frontière franco-italienne, telles que le non-respect des garanties légales lors des refoulements vers l’Italie, l’impossibilité de demander l’asile et d’avoir accès à un.e médecin. Nous soutenons les solidaires injustement poursuivi.es en raison de leur engagement auprès des personnes exilées », affirme le Dr. Philippe de Botton, président de Médecins du Monde France.
La solidarité et la fraternité ne sont pas des délits. Elles doivent être encouragées et non punies. Le droit de défendre la justice, l’égalité et le respect des droits doit être garanti et respecté.