Le « nouveau monde » de la médiation culturelle : toujours plus avec moins !

Section SUD Culture de la RMN-GP

Alors que le monde de la culture traverse une crise sans précédent du fait de la pandémie COVID, la Rmn-GP négocie, avec le Louvre et le musée d’Orsay-Orangerie, les nouvelles conventions encadrant l’activité de visite-conférence, valable pour la période 2020-2025. A cette occasion, les musées posent certaines conditions : tester de nouveaux formats de médiation. Loin de représenter des perspectives positives pour l’activité, SUD Culture Rmn-GP les considère comme porteurs de dégradations des conditions de travail.

Au musée du Louvre : une journée de marathon à la vitesse du sprint 

Visite scolaire d’une heure au lieu d’une heure et demi : cette demande s’accompagne d’une nouvelle exigence : passer à quatre prises en charge de groupes par jour, au lieu de trois. Le public scolaire représentant 80% des publics de conférences au Louvre, la journée à quatre prises en charge deviendra donc la norme au musée du Louvre.

6 micro-visites d’exposition sur 3 heures : Les conférencier.es prendraient en charge 6 groupes sur 3 heures pour 20 minutes de visite, dans l’exposition temporaire. Le Louvre ne proposerait ce type de visite que pour les premiers samedi du mois, dont la nocturne est gratuite. Les conférencier.es ne serait alloué.es qu’à cette prestation.

Paris 2024 : les conférencières championnes du triathlon !

Discipline 1 : la course de vitesse avec les scolaires !

Ces deux nouveaux formats de médiation relèvent de la même logique : faire plus avec moins. La volonté de réduire le temps de médiation tout en prétendant qu’un service est encore rendu est flagrant et symptomatique d’une volonté de rentabiliser les heures. Nous rappelons que nos collègues n’ont pas eu comme vocation de devenir audioguide en choisissant ce métier.

Le musée prétend que ces formats courts sont bien plus adaptés aux publics (dont on se demande bien quand ils ont été consultés…). Mesure à contre-courant de tout ce que prônent les pédagogues : prendre le temps, se poser pour approfondir les notions. Les conférencier.es en sont bien conscients, eux qui sont en charge de la pédagogie dans les musées depuis des années.

Ils savent aussi pertinemment que ces formats très contraignants imposeront de réduire le temps de commentaire ou bien de réduire drastiquement leur temps de pause. Dans les deux cas de figure, ils/elles se retrouveront exposés au mécontentement du public, ainsi qu’en situation de « qualité empêchée », source de stress, mais aussi de perte de sens.

Pour SUD, ces projets constituent de réelles dégradations des conditions de travail. En une journée un conférencier du Louvre couvre actuellement au moins 10 km sur trois visites. A combien va s’élever le kilométrage avec 4 visites, dont le public attend le même contenu qu’avant ? Nous vous laissons faire une rapide règle de 3, c’est moins fatigant que d’enchainer 13km sans respirer.

Discipline 2 : Le saut de groupes !

A l’EPMOO : une plongée dans le Maëlström

Médiation en salle : si un.e conférencier.e n’a pas de groupe réservé, il peut « à tout moment » être envoyé en médiation. Ceci serait mis en place pour pallier au manque de groupes.

Ce système de médiation consiste à placer un.e conférencier.e à disposition de toute demande du public, en salle. La conférencier.e sollicite les visiteurs pour offrir son soutien à la visite, ou inversement c’est le visiteur qui lui pose ses questions… On espère qu’elle concernera l’histoire de l’art ou les œuvres présentées. L’expérience confirme que le plus souvent, c’est l’emplacement des toilettes qui est demandé. Ce système, qui nous vient du monde anglo-saxon est censé être plus « convivial »…

Pour SUD ce type de médiation représente une dégradation notoire des conditions de travail des conférencier.es. Pourra-t-on être envoyé en médiation n’importe quand ? Etre rappelé pour prendre un groupe en urgence en plein milieu de sa phase de médiation ? Le contraire est loin d’être garanti. Ce système, assumé comme un ajustement à la planification, désorganise la journée des conférencier.es, qui doivent pourtant continuer à préparer leurs prestations pour le musée ou d’autres sites et n’ont plus de visibilité sur leur propre planning.

Par ailleurs, cette forme de médiation augmente la promiscuité avec le public et représente donc une source de risques accru en période de pandémie.

Mais pourquoi tant d’inventivité ?!?

Discipline 3 : la visite en apnée !

Ne nous y trompons pas. Les demandes des musées ne sont pas liées à la « relation privilégiée » avec la Rmn-GP. Ces idées sont en germe depuis des années et la pandémie offre le contexte idéal pour leur mise en œuvre. Les musées, voyant leurs budgets baisser, utilisent la médiation culturelle comme variable d’ajustement. Leur quête de rentabilité les amène à tenter d’aligner les conditions d’exercice du métier de conférencier à la Rmn-GP sur les pratiques des agences privées, dont l’activité est fondée sur l’hyper-précarité de leurs personnels qui ne sont même pas salariés. Or ces agences ne peuvent, actuellement, pas répondre aux demandes des musées, puisque leur visibilité quant à la reprise de l’activité est plus que floue.

Ces nouvelles pratiques confirment la tendance : plus de souplesse pour les musées, moins (de visibilité?) sur d’organisation du travail pour les conférencier.es. Ceux/celles-ci, considéré.es comme interchangeables, doivent pouvoir être mis à disposition toute la journée, de façon à pallier toute erreur ou lacune dans la planification.

Il s’agit aussi de gérer le sous-effectif. Le constat est le même chaque année : comme c’est le cas pour d’autres métiers à la Rmn-GP, le nombre de conférencier.es en CDI ne cesse de baisser. Les demandes des musées de réduire les formats ou d’assouplir les planifications y répondent : le sous-effectif devenant criant, le nombre de prises en charge, mais aussi de types de format augmentent. Une journée pourrait donc contenir plusieurs type de médiation (groupe, médiation en salle, visio, hors les murs…) auprès de différents publics d’âges et d’attentes différentes.


Ces dispositifs vont faire l’objet, courant 2021, de tests grandeur nature. A ce stade, la direction de la Rmn-GP dit ne pas avoir de détails sur les dates de mise en œuvre de ces tests. Mais à la fin de cette phase de test, qui pourrait arriver au cours de l’été 2021, l’accord des conférenciers, qui encadre leur activité, pourrait être transformé, pour intégrer les nouveaux formats. Le risque est grand qu’une fois inscrits ces nouveaux dispositifs, ils puissent devenir une norme et s’étendre à d’autres sites, en mal de nouvelles idées pour prétendument créer une médiation « plus adaptée aux publics ».

SUD Culture Rmn-GP ne peut rester silencieuse devant ces bouleversements potentiels et porte les revendications suivantes :

  • Reconnaissance du télétravail déguisé, dont les nombreuses heures de préparation hors face-public ;
  • Dotation de matériel adapté (ordinateurs et logiciels), notamment dans le cadre des nouvelles missions de visio-conférences ;
  • Maintien d’un nombre maximum de prises en charge par jour de trois ;
  • Passage de tou.tes les conférencier.es ponctuel.les en CDI afin de résorber la précarité et répondre de manière satisfaisante aux missions de service public de la médiation culturelle.