BnF : Le « travail à distance », une bien belle arnaque !

SUD Culture Solidaires
Section de la Bibliothèque nationale de France

Cela fait désormais un mois et demi que la majorité de la population est confinée. Dans ce contexte de crise sanitaire mais aussi sociale, la question de la continuité du travail et surtout de la production est au cœur des débats, les patrons trouvant des appuis assumés dans le gouvernement qui attaque chaque jour les droits des salarié·es avec de nouvelles dérogations à la réglementation.

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Pour notre organisation syndicale les choses sont claires : les activités non essentielles doivent s’arrêter et des moyens réels de protection doivent être donnés à ceux et celles forcé·es actuellement de se rendre au travail. Opposé·es à toute « union sacrée » avec ceux et celles qui depuis des décennies détruisent les services publics et attaquent les droits des travailleurs/euses ‒ nous n’oublions pas les images du personnel soignant tabassé et gazé aux manifestations de  janvier 2020 ‒ nous faisons comme tous et toutes le constat non seulement d’une impréparation générale face à la pandémie mais aussi de l’apparition de graves dérives autoritaires. Dans la Fonction Publique la nécessité d’une continuité de la « production » a été mise en avant avec la mise en place du « travail à distance », distinct du « télétravail » qui lui nécessite la mise en place de conventions encadrant cette activité, ce qui soulève bien des questions…

UN NUMÉRO D’IMPROVISATION SANS FILET

À la BnF, après un mois et demi de confinement, la direction de la BnF achève enfin le recensement de la position administrative de chaque agent·e, sans communiquer pour autant de chiffres clairs. En dehors des 207 agent·es concerné·es par le Plan de Continuité d’Activité de la BnF (chiffres donnés 6 semaines après la mise en route du PCA), nous ne savons toujours pas combien de personnes « travaillent » ou « produisent », dans quelle quantité, selon quelles consignes ou priorités, quelles quotités horaires, sous quel statut (« travail à distance » ou télétravail) ou encore combien de personnes sont placées en Autorisation Spéciale d’Absence (ASA) du fait de ne pas être en capacité de « production » (garde d’enfants, absence de matériel informatique, tâches non travaillables à distance,etc.).

Depuis le début  du confinement, la direction de la BnF semble en fait improviser au fur et à mesure des règles de travail à distance transposées à partir d’un cadre dès le départ mal défini et sans consulter ses propres instances que sont le CHSCT et le CT. Les échanges entre les organisations syndicales et la direction de la BnF ont fait état à plusieurs reprises de la nécessité de qualifier ce travail à distance, la direction ayant annoncé qu’il devait incarner la position administrative « par défaut » des agent·es, ce que nous contestons.

UNE MISE EN ŒUVRE SANS CONCERTATION AVEC LE PERSONNEL

Lors du Comité Technique du 27 février 2020, à l’occasion d’un point sur le télétravail (la section SUD Culture de la BnF ayant voté contre à l’époque), un passage du document présenté aux membres du Comité précisait certaines modalités visant à : « Permettre en cas de circonstances spécifiques déterminées par la direction de l’établissement et formalisées dans le cadre d’une note ou d’une diffusion d’un communiqué officiel sur Biblionautes (difficultés de transport notamment) le recours exceptionnel au travail à domicile hors convention avec le cas échéant la mise à disposition d’un équipement informatique à titre temporaire […] En cas de circonstances exceptionnelles, les missions prioritaires permettant le recours à ce dispositif spécifique seront définies par la direction au regard des obligations que l’établissement doit assumer en matière de sécurité, de paye des agents ou de tenue de délais vis-à-vis de tiers (délai global de paiement notamment). »

Dans cette note, il est donc bien question d’une part des missions prioritaires, et d’autre part de matériel informatique fourni par la BnF pour les effectuer. Or, depuis le début du confinement, nous assistons à des pratiques qui sortent des règles établies par la direction elle-même, qui ne qui ne s’inscrivent dans aucune autre référence réglementaire hormis une simple note de cadrage transmise aux organisations syndicales  et qui n’a même pas été examinée en instance.

Ainsi, le travail à distance s’est mis en place à la BnF depuis maintenant 6 semaines, de manière très opaque, unilatérale, résultat d’une organisation interne aux services et départements plutôt que d’une réflexion cohérente impliquant l’ensemble du personnel sur les nécessités impérieuses de service.

Lors du CHSCT exceptionnel du 12 mars, un Plan de Continuation d’Activité (PCA) a été présenté aux organisations syndicales. Ce document, censé définir les tâches nécessaires au fonctionnement a minima de la bibliothèque, présentait des carences importantes, notamment concernant le nombre d’agent·es impliqué·es. Le PCA n’abordait pas la continuité plus générale de l’activité des agent·es sauf concernant certaines missions à la marge de la DCO et de la DSR.

Le PCA vise à maintenir les missions critiques et vitales de l’établissement, et le télétravail est censé être la solution adaptée pour celles qui n’induisent pas une présence sur sites.

Or, nous constatons non seulement que le travail fourni en ce moment par les agent·es de la BnF ne se limite pas au PCA mais qu’il a aussi été décidé par la direction de la BnF de normaliser le « travail à distance » sur un équipement personnel.

PRATIQUES DOUTEUSES ET FLOU ARTISTIQUE …

En affirmant que le « travail à distance » devait être la position par défaut des agent·es, la direction a créé de toute pièce une règle qui conduit à des pratiques douteuses : sollicitations des agent·es en ASA par leur hiérarchie pour accomplir des tâches ne relevant pas de leurs fiches de poste, réquisition du matériel personnel pour des objectifs professionnels, appel au volontariat du personnel en situation de garde d’enfant, etc. Une situation qui permet tous les abus et toutes les dérives. Ce grand flou, soigneusement entretenu par la direction de la BnF, conduit à une situation baroque, face à laquelle les agent·es ne sont pas égaux/égales. Si certain·es « profitent » du confinement pour réaliser des travaux laissés d’habitude de côté faute de temps, d’autres se retrouvent sollicité·es abusivement.

Qui sait à ce jour comment sera pris en compte ce travail lors d’un retour à la normale ? Sera-t-il mis de côté ? Sera-t-il l’objet de récompenses particulières pour les « volontaires » alors que tous/tes les agent·es ne peuvent de fait exercer leurs missions actuellement ? Ce travail a-t-il finalement un sens s’il ne peut pas être intégré par la suite ? Sera-t-il source de désorganisation dans les services lorsque ceux-ci essaieront de « fusionner » les tâches de confinement et les tâches habituelles ? Participer à une réunion de service à distance constitue-t-il du travail à distance, tout comme le fait de répondre sporadiquement à quelques courriels ? Du travail à distance a-t-il été proposé à l’ensemble du personnel puisqu’il s’agit manifestement d’une position « par défaut » ?

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Ces questions sont d’autant plus importantes à l’heure où via une nouvelle ordonnance, le gouvernement a annoncé le 15 avril la pose forcée de plusieurs jours de congés et RTT pour les agent·es de la Fonction Publique, le nombre de jours concernés dépendant justement de leur situation et donc de si ils et elles sont placé·es en Autorisation Spéciale d’Absence ou… en télétravail (ou assimilé) !

Toute cette agitation contribue à l’illisibilité de la situation de la BnF. Alors que des décisions prises en amont devraient guider le travail à effectuer ou non pendant le confinement, c’est l’inverse qui se produit. La direction a promis de fournir, il y a plusieurs semaines maintenant aux organisations syndicales, les instructions remises aux départements, qui n’ont même pas encore été produites et qui risquent donc d’être certainement un résumé des pratiques empiriques actuelles… Cette situation est d’autant plus scandaleuse que le travail à distance risque d’être pratiqué au-delà de la période de confinement.

NOTRE SANTÉ EST PRIORITAIRE, PAS NOTRE PRODUCTIVITÉ !

La direction de la BnF, dans sa communication actuelle et sous couvert de « bienveillance », semble tenir envers et contre tout à rappeler aux agent·es que leur temps ne leur appartient pas, la situation étant finalement la même concernant le gel de demandes d’annulation de congés. Nous tenons à rappeler à la direction que nos ordinateurs, nos téléphones portables et notre connexion internet, pour ceux et celles qui en disposent, ne lui appartiennent pas, et nous demandons à ce que soit mis un terme à la mascarade du « travail à distance ».

Non, dans les circonstances actuelles, la priorité n’est pas au travail, surtout pas lorsqu’il est inventé de toute pièce pour nous créer une occupation. Nous demandons à ce que les personnes travaillant dans le cadre du PCA soient notifiées et équipées, et à ce que les autres soient notifiées de même de leur placement en Autorisation Spéciale d’Absence.

>>> De nouveau interrogée sur l’ensemble de ces questions à l’occasion des deux dernières réunions hebdomadaires avec les organisations syndicales, la direction de la BnF nous a annoncé que pour elle le sujet du « travail à distance » était clos, les débats passés, l’information auprès des agent·es sur leur position actuelle étant en cours de finalisation. Un nouveau déploiement de matériel informatique est par ailleurs en cours suite au renouvellement du parc informatique de la BnF, sans que l’on sache si ce redéploiement couvrira les besoins de l’ensemble du personnel en « travail à distance ».

La section SUD Culture de la BnF demande :

►L’indication officielle à chaque agent·e de sa position administrative

►Que le personnel non concerné par le PCA soit placé en ASA par défaut

►Le retrait de l’ordonnance imposant le vol de nos congés

►L’arrêt de la sollicitation du personnel en garde d’enfant pour le travail à distance

Nous appelons le personnel dont la position administrative notifiée ne correspondrait pas à la réalité de leur quotidien à contester toute décision qui leur semblerait infondée.