Les travailleur-se-s précaires de la culture ne doivent pas être laissé-e-s pour compte !

La période actuelle nous montre l’impérieuse nécessité des services publics et des droits sociaux. SUD Culture Solidaires dénonce l’utilisation de rhétoriques guerrières justifiant la destruction du droit du travail et autres injonctions de travail à tout prix – c’est de coût humain dont il est question, ne l’oublions jamais. Les grands discours ne doivent pas rester sans suite, et des mesures fortes et radicales doivent absolument être prises pour favoriser un réel partage du bien commun. Vous trouverez ici le courrier syndical que SUD Culture Solidaires a adressé au ministre de la Culture le 8 Avril 2020 concernant ces travailleurs/ses.

Manifestant-es SUD Culture Solidaires

Le secteur culturel est particulièrement impacté par la crise du covid 19. Il a été un des premiers champs professionnels à devoir cesser toute activité et sera certainement dans les derniers à pouvoir reprendre. Les programmations sont suspendues, les temps de création ne peuvent avoir lieu, le montage de nouvelles productions est impossible, de nombreux festivals sont d’ores et déjà annulés, de même que les interventions en milieu scolaire et les manifestations associatives, les tournages sont également à l’arrêt. Cette situation va durer des semaines, voire des mois. Les activités culturelles ne reprendront pas immédiatement mais sans doute progressivement en fonction des restrictions de jauges et de la réorganisation de nos activités. Ces arrêts auront des répercussions pendant plusieurs saisons. Ce secteur a la particularité d’un recours massif aux contrats précaires, dont ceux des salarié-e-s intermittent-e-s du spectacle, qui sont privé-e-s, de fait, de toute activité professionnelle et de rémunérations salarié-e-s pendant cette crise. Cela aura également un très lourd impact sur le maintien de leurs droits à l’assurance chômage notamment au titre des annexes 8 et 10.



Certes, des premières mesures d’urgence ont été annoncées par le ministère de la culture : – possibilité du recours au chômage partiel pour les contrats à durée déterminée d’usage (dès lors qu’il y a signature d’un contrat de travail ou promesse d’embauche formalisée avant le 17 mars) qui sera en parti pris en compte pour la réouverture de droits. – maintien des subventions publiques aux structures culturelles, renforcé par des aides spécifiques par secteur et incitation à honorer les contrats de cession et contrats de travail. – maintien des droits à l’assurance chômage pour les demandeurs-euses d’emploi qui ont épuisé leurs droits à compter du 12 mars 2020 et jusqu’au 31 juillet 2020 au plus tard.

Malgré tout, ces mesures ne seront pas suffisantes ni pendant, ni au sortir de la crise du covid 19 pour préserver nos professions.

Dans les mesures de toute première urgence se pose celle du GUSO, le guichet unique du spectacle vivant géré par Pôle emploi. Les employeur-euse-s occasionnel-le-s et les structures dont l’activité principale n’est pas le spectacle, ont l’obligation de passer par le GUSO (qui gère près de 14 millions de salaires bruts par mois) pour embaucher et rémunérer des intermittent-e-s du spectacle (artistes ou technicien-e-s), ce qui est le cas notamment pour les services culturels des collectivités territoriales. À ce jour, le GUSO bloque le paiement des prestations non effectuées que les employeurs voudraient régler par solidarité. C’est inadmissible. Et il n’a pas mis en place les mesures qui permettraient l’accès au chômage partiel, excluant ainsi les intermittent-e-s qui travaillent directement avec les collectivités territoriales, l’éducation nationale, les organisateur-trice-s occasionnel-le-s… Alors que les structures privées et subventionnées du spectacle peuvent avoir recours au chômage partiel, les artistes et technicien-e-s qui travaillent pour le service public au plus près de la population et œuvrent pour la démocratisation de l’accès à la culture, au spectacle jeune public, en milieu rural … en sont exclu-e-s, laissé-e-s pour compte et risquent de ne pas se relever de cette crise. Nous demandons au ministère de la culture et au ministère du travail d’intervenir de toute urgence auprès de Pôle emploi afin que le paiement des salaires soit effectué et que les mesures de chômage partiel (incluant les temps de répétition des spectacles qui ont dû être annulés) soient mises en place par le GUSO.

Concernant les collectivités territoriales, un premier pas a été franchi concernant la possibilité de payer les contrats de compagnies qui n’ont pu réaliser leurs prestations artistiques en raison de la crise avec l’ordonnance n° 2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics . Cependant, ces mêmes collectivités, et principalement leurs services payeurs, quand elles souhaitent faire acte de solidarité avec les salarié-e-s intermittent-e-s qu’elles devaient embaucher par l’intermédiaire du Guso, en leur réglant les salaires prévus, sont cette fois encore confrontées à la notion de “service non fait”, alors que la loi ne la prévoit pour les agent-e-s titulaires que si elle est à l’initiative du salarié-e. Encore une fois, les artistes et technicien-e-s travaillant pour le service public sont laissé-e-s pour compte. Nous demandons aux services de l’état d’apporter dans les plus brefs délais une solution concrète aux services payeurs des collectivités territoriales afin de régler cette situation et de permettre que des gestes de solidarité puissent être mis en œuvre.

Concernant plus globalement les droits sociaux de tous les précaires de la culture, notamment les annexes 8 et 10 de l’assurance chômage mais aussi les nombreux CDD du secteur, toutes les mesures d’urgences mises en œuvre ne pourront pallier aux graves difficultés que rencontrent et rencontreront les professionnel-le-s de la culture concerné-e-s. Nous demandons que les droits au chômage aux annexes 8 et 10 soient automatiquement renouvelés pour une période de 12 mois pour tous les renouvellements de droits entre le 1er mars 2020 et au minimum le 31 mai 2021, sauf demande de réexamen à l’initiative de l’ayant droit. Des modalités doivent aussi être mises en oeuvre pour les futurs entrants qui auraient pu ouvrir des droits sans ces circonstances exceptionnelles.

Il est aussi de notre responsabilité de tenir compte de tous les acteur-trice-s de la société, potentiellement des publics, pour qui notre travail prend sens. Il est nécessaire de protéger en premier lieu l’ensemble des chômeur-e-s et des travailleurs-e-s précaires dont les difficultés vont augmenter considérablement au sortir de cette crise sanitaire, et de leurs octroyer des droits. Les réductions des droits portées notamment par les réformes de l’assurance chômage vont mettre dans des difficultés insurmontables nombre de privé-e-s d’emploi. Le drame sanitaire que nous vivons ne doit pas être suivi d’un drame social. Nous revendiquons :

  • l’abrogation définitive de la dernière réforme de l’assurance chômage tant sur son volet entré en vigueur le 1er novembre 2019 que sur le second dont l’entrée en vigueur a été reportée au 1er septembre 2020,
  • l’abrogation du décret du 28 décembre 2018 qui augmente les contrôles et sanctions envers les privé-e-s d’emplois et détruit le service public de l’emploi.

Quelles que soient les aides données aux entreprises et aux institutions, il apparaît toujours que les plus fragiles en seront exclus. C’est pourquoi il devient urgent que toutes les formes de chômage, d’intermittence de l’emploi et de précarité soient rémunérées.

La période actuelle nous montre l’impérieuse nécessité des services publics et des droits sociaux. Nous dénonçons l’utilisation de rhétoriques guerrières justifiant la destruction du droit du travail et autres injonctions de travail à tout prix – c’est de coût humain dont il est question, ne l’oublions jamais. Les grands discours ne doivent pas rester sans suite, et des mesures fortes et radicales doivent absolument être prises pour favoriser un réel partage du bien commun.

SUD Culture Solidaires, le 8 Avril 2020