Charte identitaire – 2006

Le syndicalisme :
Un outil de lutte pour la transformation
sociale

A1. Les attaques menées sous la coupe des marchés
financiers et du néo-libéralisme économique
déferlent sur l’ensemble du monde du travail. Elles
n’épargnent aucun secteur de la vie sociale, exacerbent
partout les impératifs de rentabilité financière
et l’agressivité commerciale, libéralisent, déréglementent
et privatisant les services publics ou sacrifient leurs missions.
Elles réduisent l’environnement, les êtres, leurs
rêves et leurs espoirs à l’état de marchandises,
vite rentabilisées et vite jetées une fois consommées.
Au développement du chômage, de la précarité et
de la misère sociale dans les pays dits développés
correspond la mise à sac du Tiers-Monde, des pays de l’Est,
et la pauvreté généralisée.

A2. Dans ces conditions, prétendre apporter des solutions
de fond sur un champ professionnel spécifique en faisant abstraction
du contexte général de la société ne
serait que pure illusion. La nécessité de se battre
contre l’organisation sociale actuelle du travail (organisation
hiérarchique, parcellaire et aliénante) pour améliorer
nos conditions de travail et de vie est indissociable d’un
combat plus large visant à substituer à l’actuel
gâchis qui met en péril l’existence même
de la planète, une société solidaire débarrassée
de l’exploitation et de l’oppression, basée en
priorité sur la satisfaction des besoins sociaux et écologiques.

A3. Depuis son origine, le mouvement ouvrier a été divisé,
et souvent déchiré, par l’opposition entre les
tenants d’un syndicalisme se bornant à atténuer
les conséquences de l’exploitation capitaliste sans
jamais en attaquer la racine, et les défenseurs d’un
syndicalisme d’émancipation des travailleurs et de l’ensemble
des exploités. Par ailleurs, une bonne partie du XXe siècle
a vu l’idée même de transformation sociale gravement
pervertie et décrédibilisée par le soutien qu’une
composante non négligeable du mouvement syndical a apporté aux
dictatures du “ socialisme réel ” naguère
en vigueur à l’Est.

A4. SUD Culture Solidaires l’affirme sans ambiguïté :
l’émancipation des travailleuses et des travailleurs
ne peut se faire qu’au prix d’une rupture avec le système
capitaliste et tous les systèmes  autoritaires et d’oppression.
Elle sera le fruit de l’action consciente, collectivement déterminée,
mise en œuvre et librement consentie par les travailleuses
et les travailleurs eux-mêmes, ou elle ne sera pas.

A5. C’est pourquoi SUD Culture Solidaires inscrit son action
dans une double continuité :

  • celle définie en 1906 par la CGT dans la charte d’Amiens,
    qui assigne au syndicalisme un double objectif et une exigence
    : défense des revendications immédiates et quotidiennes,
    et lutte pour une transformation d’ensemble de la société en
    toute indépendance des partis politiques et de l’?tat.
  • celle du projet de socialisme autogestionnaire porté par
    la CFDT au début des années 1970, dans la mesure
    où il plaçait les travailleurs et la nécessité de
    la démocratie la plus large au cœur de l’objectif
    de transformation sociale comme de la démarche visant à y
    parvenir.

A6. Cependant, un tel héritage ne constitue pas un dogme
intangible. Pour une part, les modes de syndicalisme qui se sont
historiquement développés sur ces bases ont montré leurs
limites. Par ailleurs, les luttes qui interviennent depuis le début
des années 1990 à l’initiative des chômeurs
et des “sans“ pour la défense et la conquête
de droits élémentaires interpellent le monde syndical.
Elles conduisent nécessairement à élargir ces
conceptions, à refonder un projet syndical intégrant
la dimension des différents mouvements sociaux.

Un syndicalisme ancré dans l’interprofessionnel et
dans la société

B1. Lors de son 2ème congrès, en 2001, l’Union
syndicale Solidaires avait réaffirmé ²[qu’elle]
n’était pas une fin en soi, mais un moyen pour que le
syndicalisme de contre-pouvoirs et de transformations sociales [qu’elle]
défend devienne majoritaire parmi les salariés².
Le syndicat SUD Culture Solidaires fait sienne cette affirmation
et s’inscrit pleinement dans les différentes initiatives
qui visent à favoriser la mise en œuvre d’un pôle
syndical interprofessionnel regroupant l’ensemble des forces
qui refusent dans notre pays l’accompagnement du (social)-libéralisme.
Renforcer le poids de Solidaires, c’est permettre à celui-ci
de mieux peser dans les différents rapports de forces aptes à favoriser
une évolution plus large du mouvement syndical et la mise
en œuvre de propositions alternatives. Il y a urgence à renouer
avec un outil syndical, au niveau professionnel comme au niveau interprofessionnel, à la
hauteur des attaques et des défis actuels.

B2. Face aux dégâts du libéralisme qui se manifestent
aussi bien dans la précarisation des statuts, la remise en
cause du système de protection sociale, l’affaiblissement
des services publics, les attaques de droits fondamentaux comme la
santé, l’éducation ou la culture, des dégradations
environnementales, ou sanitaires… SUD Culture Solidaires, comme
l’Union syndicale Solidaires, inscrit dans sa démarche
syndicale la recherche de convergences durables et la construction
de mobilisations –  au-delà des seules composantes du
mouvement syndical – avec des mouvements sociaux qui agissent eux
aussi contre les dégâts du libéralisme.

B3. C’est tout le sens de notre engagement aux côtés
de tous les “sans” : sans-travail, sans-logement,
sans-papiers… et des autres forces sociales engagées
dans la lutte contre la précarité, les exclusions,
les inégalités, les discriminations… En effet,
les luttes menées par ces différentes structures (tels :
AC ! (Agir ensemble contre le chômage), DAL (Droit Au
Logement), Droits devant !!, Collectifs de sans-papiers…)
et celles que nous menons au sein de notre propre champ syndical,
relèvent à l’évidence d’un seul
et même combat. Dès lors, il s’agit, ensemble,
d’impulser des analyses et des mobilisations aptes à imposer
des contre-pouvoirs dans la société. Cet engagement
trouve également sa traduction par l’aide logistique,
financière, matérielle…que nous pouvons apporter à ces
structures, dans la limite de nos moyens.

 Face à la mondialisation du capital, qui a des conséquences
concrètes sur la vie quotidienne des travailleurs et des peuples,
la construction de rapports de forces à l’échelle
internationale doit faire partie intégrante de la stratégie
d’action du mouvement syndical. A ce titre, SUD Culture Solidaires,
comme l’union syndicale Solidaires, entend favoriser la constitution
d’un réseau entre les différentes forces syndicales
qui, à travers la planète, partagent aujourd’hui
des analyses similaires.

B4. La construction d’un rapport de force à l’échelle
internationale ne saurait reposer uniquement sur le mouvement  syndical.
Il s’agit également de construire les convergences entre
les différents mouvements de résistance à toutes
les formes de la mondialisation libérale qui se déploient
d’un bout à l’autre de la planète. C’est
tout le sens de notre participation aux différentes mobilisations
initiées dans ce domaine, notamment de notre participation
aux forums sociaux locaux, européens et mondiaux. Cet engagement
ne se limite pas à la présence symbolique de quelques
militants lors de ces initiatives mais se traduit également
par un travail de sensibilisation en direction des salariés
afin que ceux-ci puissent mieux faire le lien entre ces mobilisations
et ce qu’ils vivent concrètement. 

Un syndicalisme de lutte et de contre-pouvoirs, indépendant
mais pas neutre

C1. Alors que dans notre pays les richesses augmentent, la précarité se
développe, le chômage persiste, et la misère
s’accroît – y compris parmi la population salariée,
les inégalités économiques, sociales et culturelles
ne se résorbent pas, elles augmentent même. Loin de
s’évanouir les classes sociales perdurent. Aux inégalités économiques,
sociales et culturelles subies par les ouvriers, les chômeurs
et les précaires, s’ajoutent des discriminations persistantes
subies, dans le travail et dans l’ensemble de la société,
par les jeunes (et plus particulièrement ceux qui sont relégués
dans les quartiers ghettoïsés), les femmes, les travailleurs âgés,
les handicapés,  les homosexuels, les immigrés
et tous les Français issus de l’immigration, etc.

C2. Face à toutes les attaques subies par le monde du travail,
le syndicalisme reste un outil indispensable à la défense
individuelle et collective des travailleurs. C’est un outil nécessaire
pour informer, convaincre, rassembler, unir, organiser les luttes,
transformer la réalité en faisant en sorte que chacune
et chacun devienne acteur dans une démarche d’émancipation
sociale. Un outil au service des intérêts collectifs
de celles et ceux qui n’ont ni le pouvoir financier, ni le pouvoir économique,
ni le pouvoir intellectuel : le monde du travail dans ses multiples
réalités actuelles. Un outil pour analyser, résister
et agir sur le monde, pour le transformer et non s’y adapter.

C3. SUD Culture Solidaires inscrit dans sa démarche syndicale
la lutte contre toutes les formes d’inégalités
et de discriminations persistantes et le combat contre toutes les
formes de racisme et toutes les idées et les politiques qui
tendraient à favoriser les replis communautaristes. Notre
organisation syndicale agit sur ces questions, aussi bien dans les
lieux de travail, que dans l’ensemble de la société.

C4. Notre projet syndical commun vise à mettre en œuvre
un syndicalisme de lutte et de contre-pouvoirs liant la défense
quotidienne des salariés et la transformation de la société à travers
la construction de rapports de forces aptes à favoriser l’émergence
de projets alternatifs favorables aux salariés, chômeurs,
précaires… pour contrer les politiques libérales
mises en place par le patronat et les gouvernements.

C5. SUD Culture Solidaires se doit d’analyser et d’agir
sur les décisions des pouvoirs publics, des gouvernements,
des responsables politiques et patronaux, qui rentrent dans notre
champ d’intervention, tel que défini par nos statuts.
Notre syndicalisme intervient sur le champ politique et se refuse à cantonner
son intervention sur les seuls problèmes revendicatifs immédiats.

C6. Cela implique, entre autres, une pratique syndicale :

  • reposant sur la mobilisation, l’action et la négociation,
  • cherchant à réaliser l’unité la plus
    large des citoyens et la démocratie directe dans son fonctionnement
    et dans les luttes,
  •  ne se réfugiant pas dans des intérêts
    catégoriels et corporatistes, mais ayant une vision interprofessionnelle,
  • faisant de la lutte contre la précarité, les exclusions,
    les inégalités, les discriminations une priorité et à ce
    titre,
  •  partenaire des structures citoyennes impliquées
    dans ces mêmes combats…
  • mettant en œuvre une pratique de débats et de confrontation,
    et de participation aux mobilisations avec les différentes
    forces politiques, dès lors que ces initiatives sont de
    nature à faire avancer nos propres priorités revendicatives
    et/ou de transformation sociale.

C7. Pour autant, le syndicalisme que nous construisons ne confond
pas son rôle avec celui d’un parti politique. Là où la
vocation d’un parti politique, dans le système actuel,
est d’accéder au pouvoir, et donc, nécessairement,
d’y effectuer des arbitrages entre les différentes composantes
de la société, le syndicalisme de transformation sociale
entend rester en toutes circonstances un outil des travailleurs au
service des travailleurs, une organisation syndicale pluraliste se
donnant comme objectif de construire avec elles et eux un véritable
contre-pouvoir face aux gouvernements et aux partis politiques, quels
qu’ils soient. C’est pourquoi SUD Culture solidaires élabore
ses orientations et détermine son action dans la plus totale
indépendance vis-à-vis des organisations politiques,
des gouvernements, de l’État, des groupes économiques
et financiers, du patronat et des logiques que les uns et les autres
véhiculent.

Des pratiques démocratiques pour un outil syndical plus
efficace

D1. La démocratie constitue un principe fondateur fondamental.
Développer des pratiques démocratiques contribue à rendre
crédible notre projet syndical et constitue aussi un gage
d’efficacité à travers la mise en place d’un
fonctionnement favorisant le débat. L’exigence de démocratie
concerne aussi bien le rapport aux salariés que le fonctionnement
interne du syndicalisme. Contribuer à la rénovation
du syndicalisme, à construire une alternative aux confédérations,
demande aussi de mettre en place un fonctionnement qui favorise le
débat, qui permet l’expression des divergences et qui
se donne les moyens de construire un point de vue partagé par
le plus grand nombre. L’adhésion des salariés à notre
syndicat suppose que notre syndicalisme ne soit pas un syndicalisme
d’appareil, mais un syndicalisme proche de ses adhérents, à l’écoute
et en phase avec leurs aspirations.

D2. Ainsi, il s’agit de dépasser le syndicalisme de délégation,
pour faire un syndicalisme qui agit avec les salariés, et
non pas à leur place. Ceux-ci veulent pouvoir donner leur
avis, s’exprimer sur toutes les questions qui les concernent. Il
s’agit pour le syndicalisme de produire des analyses, de les proposer,
les vérifier, les enrichir. Il s’agit de susciter les débats,
de faire émerger les revendications et les projets collectifs,
décidés et portés en toute connaissance de cause.
Il s’agit aussi de donner aux travailleurs la possibilité de
choisir et de mettre en œuvre leurs modalités d’action
dans des cadres les plus unitaires possibles.

Une identité qui doit fonder notre pratique d’ensemble

E1. SUD Culture Solidaires s’engage à se référer à cette
charte dans ses sessions de formation ; il invite ses sections à mettre
cette charte au débat de leurs réunions, à en
communiquer le texte à leurs adhérents actuels et futurs,
et à s’en inspirer dans leur intervention au quotidien.
Dans une société hiérarchisée, brutale,
ne reconnaissant que la loi du plus fort, une pratique syndicale
Solidaire, Unitaire et Démocratique, visant à promouvoir
respect des individus, action collective et justice sociale, est
perpétuellement menacée. À nous de l’entretenir,
l’approfondir et l’élargir par une vigilance de
tous les instants.

Ainsi notre syndicat  inclut dans ses statuts le préambule
suivant 

F1. Syndicat de lutte et de contre-pouvoirs,
ne s’arrêtant pas à la porte des entreprises
et des administrations, mais impliqué dans la vie de la
Cité, SUD Culture Solidaires entend lier :

  • la défense des salariés ;
  • la transformation de la société ;
  • l’émancipation des individus afin qu’ils
    puissent penser et agir sur leur environnement de travail et être
    acteur de leur vie.

Solidaires, parce que SUD Culture
Solidaires entend être aux côtés des exclus,
des minorités et des victimes d’une société qui
n’hésite pas à placer le profit des uns au-dessus
de l’existence des autres

Unitaires, parce que rechercher à la
base sur chaque mobilisation l’unité d’action
la plus large est le meilleur moyen de regrouper un maximum d’individus
sur des objectifs communs

Démocratiques, parce que chaque
adhérent et chaque salarié doit pouvoir apporter
sa propre réflexion, enrichir le débat et participer à la
transformation de la société.

Le syndicat SUD Culture Solidaires est la poursuite sous une
forme spécifique, de l’objectif de construction d’un
syndicalisme :

  • de transformation sociale dans la perspective de la construction
    d’une société anticapitaliste, anti-totalitaire
    et autogestionnaire qui repose sur le principe de la démocratie
    directe ;
  • indépendant de l’?tat, du
    patronat et de tout groupe politique ;
  • pluraliste et fédéraliste, c’est à dire
    acceptant en son sein la pluralité des opinions, hors
    l’affichage d’opinions sexistes, xénophobes ou racistes,
    et reconnaissant à tous le droit d’opinion sur la
    base du respect des mandats syndicaux ;
  •  féministe, c’est à dire luttant
    pour l’égalité, tant professionnelle et sociale
    que citoyenne, entre les femmes et les hommes ;
  • reposant sur la mobilisation, l’action et la négociation,
    et cherchant à réaliser l’unité la
    plus large des citoyens et la démocratie directe dans
    son fonctionnement et dans les luttes ;
  •  ayant une vision interprofessionnelle et refusant
    de se réfugier dans des intérêts catégoriels
    et corporatistes ;
  • faisant de la lutte contre la précarité, les
    exclusions, les inégalités, les discriminations
    une priorité et à ce titre, partenaire des structures
    citoyennes impliquées dans ces mêmes combats ;
  • cherchant à développer une stratégie
    et une pratique syndicale permettant aux salariés de mieux
    faire le lien entre ce qu’ils vivent au quotidien sur leur
    lieu de travail et une mondialisation libérale et financière
    en marche d’un bout à l’autre de la planète.