De la loi DADVSI (2006)au projet de loi « Création et internet (dite HADOPI) : PIRE TOUT PIRE!

Le 12 mars, la Ministre de la culture et de la communication, Christine Albanel, a présenté aux députés son
projet de loi « création et internet » (dite aussi loi HADOPI [[Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet.]]). Cette loi doit remplacer la loi DADVSI [[Droits d’auteurs et droits voisins dans la société de l’information.]] – qui
visait déjà à punir le téléchargement illégal – adoptée non sans péripéties et remue-ménage en 2006, et si mal
adaptée à son objectif qu’elle n’a jamais pu être pleinement mise en application. Cette nouvelle loi répressive
risque, elle aussi, de ne servir à rien : totalement contestable sur le fond, inapplicable et très coûteuse.

Flicage et répression

Le dispositif phare de ce projet de loi est « la riposte graduée » qui va de l’avertissement jusqu’à la suspension de
l’abonnement internet. Ce mécanisme répressif vise à condamner une pratique mettant à mal l’industrie
culturelle. Jusqu’à présent, les grands groupes de télécommunications s’étaient tenus à l’écart de toute prise de
position publique en faveur d’une réglementation stricte. Les opérateurs de réseaux se sont opposés à toute
solution du type redevance dont ils estimaient qu’elle constituait un problème financier pour eux, en élevant
la facture internet de leurs clients sans qu’ils en touchent eux-mêmes les bénéfices.
En réalité, industrie du disque, du cinéma ou des télécoms, chacun semble s’être entendu pour brider les
usages d’internet et toute utilisation non marchande de ceux-ci.

Bras armé du flicage : les fournisseurs d’accès à internet (FAI)

Les fournisseurs d’accès à internet vont devoir permettre la localisation de leurs clients. Si ceux-ci ne
respectent pas la loi, ces mêmes opérateurs devront leur couper l’accès internet (en continuant de les facturer). Cette
suspension de l’accès à internet pose la question de la relation entre le client et le fournisseur d’accès, car les
opérateurs – les FAI – vont être perçus comme le bras armé de la justice. Est-ce là le rôle d’un fournisseur d’accès à
internet ?

Service universel

En 2009, le fait de disposer d’un accès de communication tel qu’internet ne relève-t-il pas d’un droit universel au même
titre que de disposer de l’accès au téléphone ? Peut-on encore considérer internet comme un produit commercial de
luxe ou bien s’agit-il d’un bien de première nécessité ?
SUD Culture Solidaires considère qu’aujourd’hui notre société doit répondre à toutes les attentes à la fois des artistes,
éditeurs et des producteurs de contenus, et des consommateurs/utilisateurs.

Caricature

Comme il y a trois ans avec le projet de loi DADVSI, SUD Culture Solidaires considère qu’il est illusoire et
dangereux de trancher le débat de cette manière, et qu’avec cette loi répressive on puisse répondre au besoin
essentiel d’accès à la culture pour tous. Et ce, au moment même où les nouveaux modes de consommation via
internet se sont largement étendus ces dernières années et que les pratiques des réseaux sociaux, d’échanges
de contenu sont des usages moteurs du développement d’internet.
Statuer ainsi en faveur de multinationales culturelles au mépris des nouvelles technologies et des nouveaux
usages tels que la consommation de produits culturels dématérialisés ou bien rejeter toute idée de partage sur
les réseaux sociaux ne peuvent être que des visions à court terme. Ne retenir que l’aspect financier du problème
démontre l’incapacité du gouvernement à comprendre et anticiper le désir de liberté des utilisateurs. Ce projet de loi
semble être borné par des intérêts purement mercantiles. Dans le même temps, nous constatons que la
fréquentation des salles de cinéma ou de concert augmente… Nous sommes loin de la caricature d’usagers
bornés et purement consuméristes.

Une loi qui risque d’être tout aussi inefficace que la précédente

Il n’est pas certain en effet que la loi HADOPI puisse se montrer plus efficace que la loi DADVSI. Les usages se
diversifient sans cesse, suite aux bouleversement technologiques innombrables. Le dispositif prévoit que c’est le
fournisseur d’accès (FAI) qui devra mettre en oeuvre la « riposte graduée » contre l’IP fautif dont l’adresse lui a été
communiquée par les différentes polices des « ayants droit » . Or, aujourd’hui, la connexion à internet ne s’effectue plus
uniquement, comme il y a 10 ans, grâce à un modem avec une adresse IP. L’application de cette loi risque donc de
soulever d’innombrables et insolubles problèmes juridiques. D’autre part, de nouveaux usages se développent pour
contourner le téléchargement, comme le « streaming », véritable alternative au téléchargement de découverte, qui
permet l’écoute et le visionnage de fichiers en ligne: une solution souvent légale et facile d’usage pour les internautes.
Ce projet de loi est donc bien en décalage avec la réalité d’aujourd’hui et, surtout, celle de demain: en matière musicale,
le glissement du téléchargement illégal vers l’écoute en ligne croît chaque jour tandis que les catalogues en ligne se
développent: en donnant accès à tout instant à n’importe quel morceau, les sites légaux de streaming rendent caduque
la nécessité de « posséder » des titres.

Placer la société sous surveillance

Avec cette loi (comme avec la loi DADVSI), le président de la République et le gouvernement veulent deux choses :

  • 1. rassurer les lobbies des producteurs et ayant-droit, afficher la fermeté du pouvoir et faire peur aux internautes.
  • 2. Préparer le filtrage du net. Cet objectif – peut-être le plus dangereux parce que le plus liberticide – qui n’apparaît
    que comme effet secondaire de la « riposte graduée » est pourtant affiché en toutes lettres dans l’acronyme qui sert
    à désigner cette loi : Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI).
    Comme le CSA pour l’audiovisuel, l’HADOPI a vocation à devenir l’organe de contrôle et de régulaton du web.
    Télévision publique muselée et sous perfusion… la presse définitivement entre les mains de quelques grands
    groupes dirigés par des amis du président…et maintenant la domestication d’internet, canal rebelle: Big Brother
    n’aurait pas fait mieux ! Au secours « 1984 » arrive !

Ce que nous pensons

SUD Culture Solidaires réaffirme qu’aujourd’hui encore il n’y a plus qu’une seule chose à faire : retirer purement et
simplement de l’ordre du jour parlementaire ce projet de loi, mal ficelé et dangereux pour les libertés, en un mot
inacceptable, afin de permettre la mise en place d’un débat public et la rédaction d’un texte associant réellement dans
son élaboration l’ensemble des parties concernées. Il s’agit aujourd’hui de contrer la volonté gouvernementale d’étouffer
tout réel débat sur des questions qui concernent pourtant bien l’avenir de tous – tant il s’agit de savoir comment et pour
qui seront utilisés les progrès gigantesques effectués dans le domaine de la diffusion de contenus culturels numérisés.
Les implications de ce texte vont influer sur la vie quotidienne de millions de citoyens et d’utilisateurs de données
numériques, sans parler des conséquences ociales, technoslogiques, économiques, etc…

SUD Culture Solidaires réaffirme sa position adoptée face au projet de loi DADVSI lors de son congrès de janvier 2006.
Nous nous prononçons contre les dispositifs répressifs du projet de loi HADOPI qui se cachent sous le vocable
angélique de « riposte graduée »: ces dispositions répressives trop criantes ne font qu’entériner la logique initiale
d’un projet de loi au seul service d’une poignée de majors des industries de la communication.

Nous nous prononçons pour la mise en place d’un système visant à permettre aux internautes de télécharger
librement des fichiers sur le Web moyennant le paiement d’une redevance mensuelle symbolique incluse dans leur
abonnement à Internet – redevance qui devra être exclusivement reversée à des structures transparentes qui restent
à créer, chargées de répartir, selon un mode de répartition juste et équitable, les sommes correspondant à leurs
droits aux auteurs, artistes, interprètes, producteurs, etc. Contrairement à ce que veut laisser croire le gouvernement
et certains artistes professionnellement liés avec des multinationales, cette position rejoint celle d’une très grande
majorité de professionnels des secteurs concernés.

Retrait immédiat du projet et ouverture d’un véritable débat national !

Motion adoptée par le 4ème congrès de SUD Culture Solidaires

Die, le 26 mars 2009


Pour parfaire votre information, vous pouvez également consulter le site de l’association Acrimed (Action Critique Médias)
pour son analyse critique pertinente de ce projet de loi :
Hadopi : quel joli nom pour une loi absurde et liberticide